LES QUESTIONS DU BOSS.
1- N'y a-t-il que
du plaisir, dans l'écriture, ou t'est-il déjà arrivé de ressentir
une certaine forme de douleur, de souffrance, dans cet exercice ?
L’écriture sans souffrance ne me semble pas possible, ou alors
je m’y prends mal
J’éprouve beaucoup de plaisir, mais je doute, j’angoisse à
l’idée de ne pas arriver à ce que je veux, de ne pas trouver les
bons mots, le bon ton, et que mon texte soit refusé par mon éditeur…
Et ça remue intérieurement, l’écriture. Les auteurs qui disent
n’éprouver que du plaisir mentent ou ne creusent pas assez profond
en eux.
2- Qu'est-ce qui
te pousse à écrire, finalement ?
Le besoin de me comprendre, de comprendre un peu le monde qui
m’entoure et l’envie d’aller mieux – on peut dire que c’est
une sorte de thérapie.
3- Comme on le
constate aujourd'hui, tout le monde écrit ou veut s'y mettre.
Sportifs, stars du show biz, présentateurs télé, journalistes,
politiques, l'épicier, ta voisine... de plus, des sites proposant
des services d'auto-édition pullulent sur le net. Ça t'inspire
quoi ?
Ma voisine n’écrit pas
D’un côté, je trouve bien que tout le monde puisse écrire, c’est
quand même important de savoir écrire dans notre société. D’un
autre côté, il est de plus en plus difficile de trouver un éditeur
et de creuser son trou dans le monde littéraire. Chacun croit avoir
quelque chose de génial à raconter, et sincèrement chacun le
pense, mais peu savent donner un ton, une forme originale à leurs
histoires.
4- Le numérique,
le support d'internet, les liseuses, les ebook, les réseaux sociaux,
sont une révolution pour les auteurs et bousculent également le
monde de l'édition. Que penses-tu de ce changement ?
Les réseaux sociaux permettent aux auteurs de mieux se connaître
entre eux, de s’organiser, de communiquer – à une certaine
époque, du moins en Suisse romande, chacun écrivait dans son coin
et se croyait meilleur que l’autre. Quant au numérique, pour avoir
publié deux romans et un recueil de nouvelles sur ce support, je
peux dire qu’en Europe, ce n’est pas le Pérou (si j’ose
dire ) Les gens sont
attachés au livre, dans les salons le numérique est difficile à
présenter, bref je crois que l’avenir est dans le livre, le vrai.
5- Il semble que
de plus en plus, les auteurs prennent en charge leur communication,
font leur publicité, créent leurs propres réseaux, prolongeant
ainsi le travail de l'éditeur de façon significative. Te sers tu
toi aussi de ce moyen pour communiquer sur ton travail, annoncer ton
actualité, discuter avec tes lecteurs ou d'autres auteurs et ainsi,
faire vivre tes livres plus longtemps ?
En Suisse, les auteurs sont obligés d’effectuer leur part de
travail parce que les éditeurs n’ont pas les moyens de se battre
sur tous les fronts. Prolonger le travail de l’éditeur est donc
une évidence. De toute manière, l’écrivain qui écrit puis se
tourne les pouces n’est plus crédible aujourd’hui.
6- On dit qu'en
25 ans, le nombre de livres publiés a été multiplié par deux,
leur tirage ayant baissé de moitié pendant cette même période.
Comment sortir le bout de sa plume de cette masse de publications ?
Être visible ? N'est-ce pas décourageant pour les jeunes
auteurs ? Que leur dirais-tu ?
Persévérer, écrire, écrire encore, trouver un style, un ton,
puis écrire encore, et lire, lire, lire. C’est tout ? Oui,
pour le moment
7- Les relations
entre un éditeur, ou un directeur de collection, et un auteur,
pourraient faire l'objet d'une psychanalyse, me disait un écrivain,
récemment. Qu'en penses-tu ? Comment analyserais-tu cette
relation que tu entretiens avec eux.
En Suisse, la plupart des éditeurs sont directeurs de
collections, chercheurs de fonds, attachés de presse et lecteurs de
manuscrits en même temps. J’entretiens de très bonnes relations
avec mes deux éditeurs suisses et mon éditeur français, mais je
sais qu’avec d’autres ça ne fonctionnerait pas. J’en connais
un qui accepte un manuscrit, effectue tout le travail avec son
auteur, prépare le service de presse, la couverture, la quatrième,
puis annonce que finalement le livre ne verra pas le jour faute
d’argent… On a parfois envie de sortir le fusil à pompe
8- J'ai pensé
longtemps, et ma bibliothèque s'en ressentait, que le noir, le
polar, était une affaire de mecs. Les coups durs, la débine et la
débauche, les gangsters, la baston, les armes, les crimes et la
violence en général… une histoire de bonshommes. Aujourd'hui, les
femmes sont de plus en plus présentes dans l'univers du polar. Grâce
au Trophée, j'ai pu me rendre compte qu'il y avait de nombreux
auteurs femmes dans ce genre. Ce n'était pas le cas il y a quelques
décennies.
Quelles
réflexions cela t'inspire-t-il ? À quoi cela est il dû, selon
toi ? En lis-tu et, si oui, Lesquelles ?
La femme est un homme comme les autres
Plus sérieusement, chacun a une part de violence en lui et
l’extérioriser dans un texte, noir ou non, n’est pas une affaire
de sexe. Femmes et hommes peuvent écrire des horreurs, nouer des
intrigues, tuer quelqu’un. Ces dernières décennies, la femme a
conquis le droit de vote (en 69 pour la Suisse), est sortie de sa
cuisine et entamé des carrières professionnelles dignes de
n’importe quel mec. Il est donc logique qu’une certaine égalité
naisse aussi en littérature policière. Je lis peu de polars ou
romans noirs, mais Mo Hayder a ma préférence – ou Ruth Rendell,
dans un autre style.
9- Pourquoi as-tu
accepté de participer à ce Trophée ?
J’aime les concours littéraires, et l’idée de me retrouver
autant avec des inconnus qu’avec des pontes du roman noir m’a
surmotivé.
LES QUESTIONS DE MADAME LOULOUTE.
1- Vie
professionnelle, vie de famille, salons et dédicaces, à l'écriture
reste-t-il une place ?
J’ai réglé le problème : je bosse peu en dehors de
l’écriture, je n’ai pas de famille. Salons et dédicaces font
partie du job d’écrivain et contribuent à nourrir mon écriture
(mais pas mon estomac). Le reste de mon temps, c’est sport et
écriture
2- A-t-on encore
les idées claires, quand tous nos héros broient du noir ?
Une pinte de
Guinness et ça repart
3- La rentrée
littéraire approche. Un livre, ça va, 560, où est-ce qu'on va ?
Nulle part. C’est beaucoup trop, et ça rejoint ce que je disais
à propos de tous les gens qui croient qu’ils ont une bonne
histoire à raconter : vouloir écrire, c’est bien, mais
vouloir publier à tout prix, est-ce vraiment nécessaire ?
4- Le dicton du
jour : À la saint Grégoire, sort un livre de ton placard. Je
t'écoute.
S’il pleut à la saint Grégoire, ce livre restera dans les
mémoires.
5-
Boire ou écrire, faut-il choisir ?
L’écriture déshydrate, c’est une évidence
6- La littérature
est le sel de la vie. Passe moi le poivre.
Trop de sel fait monter la pression sanguine
7-
Lire aide à vivre. Et écrire ?
À survivre
8- Une anecdote à
nous narrer, sur un salon, lors d'une dédicace, d'une table ronde,
un événement touchant, drôle, étrange… ?
Comme tous les auteurs, ou presque , je suppose, j’ai vécu
quelques galères lors de ces salons de brousse organisés dans des
coins perdus, entre une zone industrielle et le parking de Conforama.
Ce jour-là, un samedi, nous étions environ quarante écrivains,
babas de n’avoir que quinze visiteurs durant la journée, dont
quatre dames venues jouer au scrabble comme tous les samedis. Elles
se sont installées au fond de la salle et ont commencé leur partie.
À aucun moment elle n’ont levé le moindre œil sur nos livres,
même pas en partant. Comme râteau littéraire, je n’ai jamais
fait mieux…
Nous te
remercions d'avoir répondu à nos questions et d'être présent(e)
avec nous, pour cette troisième édition du Trophée Anonym'us.
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