1. Votre premier manuscrit envoyé à un éditeur, racontez-nous ?
J’ai commencé par un recueil de nouvelles très brèves. Des micro-nouvelles engagées, écrites suite à une déception politique. Des déceptions politiques, j’en ai depuis que je suis en âge de m’intéresser à la vie publique, mais celle-ci me touchait tout particulièrement. Je faisais partie d’un mouvement qui se battait pour la régularisation de 523 familles de requérants d’asile et contre les incessants durcissements de la loi ad hoc. Un référendum avait été lancé. Il a été balayé en votation.
Ces petits textes ont été autant de cris de colère et d’invitations à se placer dans la peau des migrant-e-s concernés. Comme je n’y connaissais rien au monde de l’édition, je pensais que le livre, coécrit avec une autre militante, dégagerait d’importants bénéfices que l’éditeur pourrait reverser au Service d’aide juridique aux exilés. Le recueil a été tiré à 5000 exemplaires, ce qui est énorme pour la Suisse romande, et malgré un indéniable succès, il en est resté une muraille d’invendus.
2. Ecrire… Quelles sont vos exigences vis à vis de votre écriture ?
J’attends de mon écriture qu’elle vienne quand j’ai du temps pour écrire. Qu’elle s’arrange pour être au rendez-vous quand j’ai pas trop de boulot. Je tolère qu’elle me réveille parfois la nuit, si elle a des idées valables à me soumettre. Dans ce cas, j’écris dans un carnet sans allumer la lumière, en posant le pouce gauche à la hauteur de la ligne que je suis en train d’écrire pour éviter que les phrases se chevauchent.
Parfois, j’attends d’elle qu’elle chante, qu’elle joue avec les sons, ou qu’elle invente des mots ou des structures grammaticales qui ne font pas partie de ma langue.
3. Ecrire… Avec ou sans péridurale ?
J’ai longtemps cru que les psychotropes aidaient et j’en ai abusé jusqu’à plus soif. Ils se sont foutus de ma gueule. J’ai fini par m’en rendre compte et j’ai tout arrêté, par inaptitude congénitale aux demi-mesures. Et c’est là que j’ai commencé à écrire pour de vrai. Donc ni alcool, ni joints, ni péridurale.
4. Ecrire… Des rituels, des petites manies ?
Principal rituel : appeler ma sœur dès que j’ai pondu le premier jet pour le lui lire à haute voix tout affaire cessante, quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit. Solliciter son avis avant que l’encre n’ait eu le temps de sécher. Et tenir compte de ses remarques autant que possible, parce qu’un regard extérieur a forcément raison. Je précise que je lui rends les mêmes services avec la même disponibilité, pleinement consciente de l’urgence de la situation.
5. Ecrire… Nouvelles, romans, deux facettes d’un même art. Qu’est ce qui vous plait dans chacune d’elles ?
J’aime le côté fonceur et imprévisible de la nouvelle, sa manière d’aller droit au but, mais jamais là où on l’attend, d’entrer sans préambule dans le vif du sujet, la sensation de chute libre qu’elle nous promet.
J’aime l’architecture du roman, l’épaisseur de ses personnages, les liens qu’on tisse avec eux, toutes ces vies parallèles.
Et dans un cas comme dans l’autre, toujours, la musique et le rythme des mots, leur espièglerie.
6. Votre premier lecteur ?
Il est bicéphale : ma sœur et mon compagnon, tous deux écrivains, donc à la fois critiques et bienveillants, éminemment utiles et compétents.
7. Lire… Peut-on écrire sans lire ?
Sans doute, le premier ou la première de l’humanité à avoir eu l’idée de coucher des mots par écrit l’a fait sans référence aucune. Mais fort heureusement, l’immense majorité des auteurs sont aussi des lecteurs, ce grâce à quoi il y a aujourd’hui encore plus de lecteurs que d’auteurs.
8. Lire… Votre (vos) muse(s) littéraire(s) ?
En vrac et pour citer les premiers qui me passent par la tête, il y a des gens comme Milan Kundera, Laurent Gaudé, Pascale Kramer, Stefan Zweig, Olivier Adam, Sartres, Maupassant, Tanguy Viel, Noël Nétonon Ndjékéry, Agnès Dessartes, Buzzati, Benacquista, Platon qui sont pour moi des puits sans fond d’inspiration
9. Soudain, plus d’inspiration, d’envie d’écrire ! Y pensez-vous ? Ça vous est arrivé ! Ça vous inquiète ? Que feriez-vous ?
L’écriture se nourrit de la vie. Quand je n’ai plus envie d’écrire, c’est que la vie m’appelle à d’autres aventures qui, une fois digérées, alimenteront certainement mon inspiration. Forte de cette idée, je me laisse facilement dissiper par des rencontres, des expériences inédites, des activités, des défis. Et parmi les gens que je côtoie, beaucoup se projettent dans mes histoires, en tant que personnages, mais jamais dans les rôles ou les situations que j’aurais imaginés.
10. Pourquoi avoir accepté de participer au Trophée Anonym'us ?
J’en rêve depuis que j’ai eu vent du Trophée. L’idée d’organiser un concours sous cette forme est excellente, je trouve génial de faire se mesurer des auteurs qui n’ont plus rien à prouver et d’autres plus novices ou moins reconnus, fabuleux que les premiers jouent le jeu, je n’ai rencontré que des gens sympas et passionnés dans le cadre de cet événement et, pour une petite Suisse, toute occasion de mettre un orteil en France, littérairement parlant, est bienvenue.
11. Voyez-vous un lien entre la noirceur, la violence de nos sociétés et du monde en général, et le goût, toujours plus prononcé des lecteurs pour le polar, ce genre littéraire étant en tête des ventes ?
Je déteste les étiquettes, les modes, les mouvements de masse et les classements en genres. Il y a de bons livres dans tous les genres ou presque, et surtout parmi les inclassables, le grand public a souvent des goûts pathétiquement convenus et toutes les époques ont été marquées par la violence. Je crois que les gens qui ont réellement connu l’enfer sont les plus aptes à chercher la lumière, le noir m’apparaît parfois comme une (im)posture de privilégié.
12. Vos projets, votre actualité littéraire ?
Un micro-roman vient de paraître chez un éditeur spécialisé dans le noir. Sinon, je suis à la recherche d’un éditeur pour mon septième ouvrage, un récit intitulé Tonitruances autour de la colère qui se transmet d’une génération à l’autre et ravage tout sur son passage.
13. Le (s) mot(s) de la fin ?
Si un gros éditeur français souhaite publier ou du moins lire « Tonitruances » suite à cette interview, qu’il sache que moi, je suis d’accord et même si ce n’était pas le cas, je tiens à remercier chaleureusement les initiateurs de ce concours, les organisateurs et toute l’équipe qui gravite autour pour les magnifiques rencontres, croisières, repas que cet événement a déjà occasionné pour moi et pour tous ceux qu’il me projet encore.
J’ai commencé par un recueil de nouvelles très brèves. Des micro-nouvelles engagées, écrites suite à une déception politique. Des déceptions politiques, j’en ai depuis que je suis en âge de m’intéresser à la vie publique, mais celle-ci me touchait tout particulièrement. Je faisais partie d’un mouvement qui se battait pour la régularisation de 523 familles de requérants d’asile et contre les incessants durcissements de la loi ad hoc. Un référendum avait été lancé. Il a été balayé en votation.
Ces petits textes ont été autant de cris de colère et d’invitations à se placer dans la peau des migrant-e-s concernés. Comme je n’y connaissais rien au monde de l’édition, je pensais que le livre, coécrit avec une autre militante, dégagerait d’importants bénéfices que l’éditeur pourrait reverser au Service d’aide juridique aux exilés. Le recueil a été tiré à 5000 exemplaires, ce qui est énorme pour la Suisse romande, et malgré un indéniable succès, il en est resté une muraille d’invendus.
2. Ecrire… Quelles sont vos exigences vis à vis de votre écriture ?
J’attends de mon écriture qu’elle vienne quand j’ai du temps pour écrire. Qu’elle s’arrange pour être au rendez-vous quand j’ai pas trop de boulot. Je tolère qu’elle me réveille parfois la nuit, si elle a des idées valables à me soumettre. Dans ce cas, j’écris dans un carnet sans allumer la lumière, en posant le pouce gauche à la hauteur de la ligne que je suis en train d’écrire pour éviter que les phrases se chevauchent.
Parfois, j’attends d’elle qu’elle chante, qu’elle joue avec les sons, ou qu’elle invente des mots ou des structures grammaticales qui ne font pas partie de ma langue.
3. Ecrire… Avec ou sans péridurale ?
J’ai longtemps cru que les psychotropes aidaient et j’en ai abusé jusqu’à plus soif. Ils se sont foutus de ma gueule. J’ai fini par m’en rendre compte et j’ai tout arrêté, par inaptitude congénitale aux demi-mesures. Et c’est là que j’ai commencé à écrire pour de vrai. Donc ni alcool, ni joints, ni péridurale.
4. Ecrire… Des rituels, des petites manies ?
Principal rituel : appeler ma sœur dès que j’ai pondu le premier jet pour le lui lire à haute voix tout affaire cessante, quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit. Solliciter son avis avant que l’encre n’ait eu le temps de sécher. Et tenir compte de ses remarques autant que possible, parce qu’un regard extérieur a forcément raison. Je précise que je lui rends les mêmes services avec la même disponibilité, pleinement consciente de l’urgence de la situation.
5. Ecrire… Nouvelles, romans, deux facettes d’un même art. Qu’est ce qui vous plait dans chacune d’elles ?
J’aime le côté fonceur et imprévisible de la nouvelle, sa manière d’aller droit au but, mais jamais là où on l’attend, d’entrer sans préambule dans le vif du sujet, la sensation de chute libre qu’elle nous promet.
J’aime l’architecture du roman, l’épaisseur de ses personnages, les liens qu’on tisse avec eux, toutes ces vies parallèles.
Et dans un cas comme dans l’autre, toujours, la musique et le rythme des mots, leur espièglerie.
6. Votre premier lecteur ?
Il est bicéphale : ma sœur et mon compagnon, tous deux écrivains, donc à la fois critiques et bienveillants, éminemment utiles et compétents.
7. Lire… Peut-on écrire sans lire ?
Sans doute, le premier ou la première de l’humanité à avoir eu l’idée de coucher des mots par écrit l’a fait sans référence aucune. Mais fort heureusement, l’immense majorité des auteurs sont aussi des lecteurs, ce grâce à quoi il y a aujourd’hui encore plus de lecteurs que d’auteurs.
8. Lire… Votre (vos) muse(s) littéraire(s) ?
En vrac et pour citer les premiers qui me passent par la tête, il y a des gens comme Milan Kundera, Laurent Gaudé, Pascale Kramer, Stefan Zweig, Olivier Adam, Sartres, Maupassant, Tanguy Viel, Noël Nétonon Ndjékéry, Agnès Dessartes, Buzzati, Benacquista, Platon qui sont pour moi des puits sans fond d’inspiration
9. Soudain, plus d’inspiration, d’envie d’écrire ! Y pensez-vous ? Ça vous est arrivé ! Ça vous inquiète ? Que feriez-vous ?
L’écriture se nourrit de la vie. Quand je n’ai plus envie d’écrire, c’est que la vie m’appelle à d’autres aventures qui, une fois digérées, alimenteront certainement mon inspiration. Forte de cette idée, je me laisse facilement dissiper par des rencontres, des expériences inédites, des activités, des défis. Et parmi les gens que je côtoie, beaucoup se projettent dans mes histoires, en tant que personnages, mais jamais dans les rôles ou les situations que j’aurais imaginés.
10. Pourquoi avoir accepté de participer au Trophée Anonym'us ?
J’en rêve depuis que j’ai eu vent du Trophée. L’idée d’organiser un concours sous cette forme est excellente, je trouve génial de faire se mesurer des auteurs qui n’ont plus rien à prouver et d’autres plus novices ou moins reconnus, fabuleux que les premiers jouent le jeu, je n’ai rencontré que des gens sympas et passionnés dans le cadre de cet événement et, pour une petite Suisse, toute occasion de mettre un orteil en France, littérairement parlant, est bienvenue.
11. Voyez-vous un lien entre la noirceur, la violence de nos sociétés et du monde en général, et le goût, toujours plus prononcé des lecteurs pour le polar, ce genre littéraire étant en tête des ventes ?
Je déteste les étiquettes, les modes, les mouvements de masse et les classements en genres. Il y a de bons livres dans tous les genres ou presque, et surtout parmi les inclassables, le grand public a souvent des goûts pathétiquement convenus et toutes les époques ont été marquées par la violence. Je crois que les gens qui ont réellement connu l’enfer sont les plus aptes à chercher la lumière, le noir m’apparaît parfois comme une (im)posture de privilégié.
12. Vos projets, votre actualité littéraire ?
Un micro-roman vient de paraître chez un éditeur spécialisé dans le noir. Sinon, je suis à la recherche d’un éditeur pour mon septième ouvrage, un récit intitulé Tonitruances autour de la colère qui se transmet d’une génération à l’autre et ravage tout sur son passage.
13. Le (s) mot(s) de la fin ?
Si un gros éditeur français souhaite publier ou du moins lire « Tonitruances » suite à cette interview, qu’il sache que moi, je suis d’accord et même si ce n’était pas le cas, je tiens à remercier chaleureusement les initiateurs de ce concours, les organisateurs et toute l’équipe qui gravite autour pour les magnifiques rencontres, croisières, repas que cet événement a déjà occasionné pour moi et pour tous ceux qu’il me projet encore.