vendredi 25 septembre 2015

Interview d'une auteure : Marie Vindy

LES QUESTIONS DU BOSS...
1. Es-tu écrivain, romancier, auteur ? Vois-tu une nuance entre ces termes ? Qu'est-ce que ces mots représentent, pour toi ?
Auteur me parait être un terme plus générique, ce n’est pas un titre, mais une qualification. On est l’auteur d’un fait comme on est auteur d’une œuvre, sans préjuger de sa qualité… (ça doit être mon côté procédurière qui me fait relever cette précision). Je me reconnaissais plutôt comme romancière, puisque j’écris essentiellement des romans ou des nouvelles de fiction. Mais aujourd’hui, mon activité principale étant d’écrire, des romans et des nouvelles, donc, mais aussi des chroniques pour un journal – toujours, j’écris – alors, je me sens légitimement écrivaine, ou écrivain, suivant que je me lève d’un pied féministe ou d’un pied neutre, plus souvent le premier cas que le second d’ailleurs, mais en aurais-tu douté ?

2. Ecrivain/Carrière. Ces deux mots sont-ils compatibles ? Y penses-tu ? Anticipes-tu cet éventuel avenir.
Carrière rime avec carriériste… bof. Ecrire est une nécessité, un adage chaque jour plus fort. Si mes livres me permettaient de vivre sans me soucier de mes fins de mois, ça me rendrait probablement la vie plus facile. Mais ce n’est pas un but. Ecrire est sans doute l’activité qui me donne le sentiment le plus absolu de liberté, c’est irremplaçable, grisant, mais parfois douloureux. On gagne et on perd quand on se livre dans l’écriture.
3. Combien de temps, de tentatives, de refus, avant de décrocher un contrat à compte d'éditeur ?
Cinq ans entre le premier manuscrit écrit et un autre édité, deux romans qui ne seront jamais édités dans l’intervalle. Beaucoup de refus, mais aussi beaucoup d’encouragements, la raison pour laquelle, sans doute, j’ai pu progresser… Sûr qu’il ne faut pas se décourager trop vite, et j’en reviens à ma constatation précédente : écrire est une nécessité qui permet de ne pas s’arrêter à un refus, de savoir tout recommencer, ou de tirer humblement des leçons de ce qu’on n’avait pas voulu entendre au premier abord. J’ai pas mal de manuscrits non édités dans mes tiroirs… des romans entiers que je ne reprendrais jamais, d’autres que j’ai finalement réécrit et qui ont été édités. Des textes inachevés à la pelle ! Tout ça est une sombre alchimie, une histoire de chance et de tempo. C’est parfois le bon moment, celui d’une rencontre, parfois le train passe sans qu’on ait eu l’audace de monter à bord. Mais les choses finissent par se révéler, il n’est pas toujours bon de trop regarder en arrière. Je sais seulement que je n’aurais pas écrit « Chiennes » (dernier roman, sorti en août 2015) si je n’avais pas croisé la route de Pierre Fourniaud et les éditions La Manufacture de livres.

Pourquoi as-tu commencé à écrire ? Pourquoi continues-tu ?
Je ne sais pas vraiment… même si j’ai bien quelques idées : une période de ma vie qui m’obligeait à rester chez moi, des doutes, une envie, un trop plein de lectures… que sais-je ? Mais une phrase prononcée par mon premier psychanalyste ne m’a jamais quittée. Il m’avait dit lors de notre second entretien : « On écrit quand on a quelque chose à dire ». Cette phrase sonne toujours aussi juste, et répond à la deuxième question… je crois que j’ai encore beaucoup de chose à dire !

Que penses-tu de la place de l'auteur dans le monde du livre et de l'édition ?
Une place pourrie mais aussi privilégiée… Le travail de création est réellement sous-évalué, en terme économique, pour l’auteur. Mais sans cette abnégation, qu’en serait-il de la littérature ? Ecrire est une liberté immense qu’un salarié n’aura jamais, ni même n’importe quel entrepreneur. Ecrire, c’est vivre, et ce n’est pas un métier, même si ça peut le devenir. Tout ça est une question de personnalité, de talent peut-être, de chance sûrement… Mais qu’il ne soit pas question de rendement ou de rentabilité ! Pitié !

Comment serait l'éditeur de tes rêves ? Quelles qualités essentielles devrait-il posséder ?
Un ami, un confident, un guide. Quelqu’un qui regarde dans la même direction, quelqu’un de passionné et de malin.

Que penses-tu du Trophée Anonym'us ?
J’aime l’idée du partage et du jeu de cette expérience, que les individus se rencontrent et échangent.


LES QUESTIONS DE MADAME LOULOUTE...
Ton dernier livre, c'est plutôt : Une intrigue aux petits oignons ? Des personnages croqués avec gourmandise ? Une alchimie de saveurs ?
Pas d’oignon, pas de gourmandise, et question saveur, elle est plutôt amère.


Tu nous conseilles de le lire : Sur un canapé au coin du feu ? À l'ombre d'un parasol ? Dans le bruit et la fureur d'une ville surpeuplée ?
La lecture est en soi un voyage. Certains livres se prêtent mieux au voyage et au dépaysement que d’autres, mais d’un point de vu général, entrer dans un livre, c’est oublier tout ce qui se passe autour.
Pour « Chiennes », je conseille tout de même un endroit confortable… pour ne pas ajouter de la douleur au malaise…


Ce livre, c'est plutôt : Divertir le lecteur ? Le faire frissonner d'angoisse ? Inviter à la réflexion ? Apporter un témoignage ?
C’est une question sans réponse. On peut se divertir en frissonnant d’angoisse, c’est même parfois le but. Pourquoi aime-t-on ça ? Il n’y a pas de meilleure façon de comprendre le monde que par la fiction, c’est un grand paradoxe qu’il ne m’appartient pas d’analyser. Chacun son métier après tout !


Ton écriture : Elle est comme Pénélope, qui fait, défait, et refait chaque phrase jusqu'à ce qu'elle sonne juste ou bien un premier jet juste retouché pour enlever quelques aspérités ?
Un peu des deux… Mais plutôt un premier jet écrit dans une urgence assez douloureuse, et après plusieurs mois de recherches documentaires et de compilations de divers documents (dossiers d’instructions, rapports de médecins légistes, retranscriptions d’écoutes téléphoniques, chroniques de procès de trafic de stupéfiants et de viols ou d’agressions sexuelles auxquels j’ai assisté...) Le travail de réécriture s’est fait au fur et à mesure, en retournant souvent en arrière, avant de proposer à l’éditeur une première version qui n’a pas été beaucoup retouchée.

Ton roman, comme un voyage, est-il : Un chemin au hasard qui t'emporte et t'oblige à t'adapter aux obstacles imprévus qui le parsèment ? Un périple longuement planifié, aux escales anticipées ? Un voyage « théoriquement » organisé, mais qui ne se déroule jamais comme prévu ?
La rédaction d’un livre, pour ma part –chaque auteur à ses manies- ne se déroule jamais comme prévu, d’autant que je ne fais pas de plan, ni ne prévois de fin. C’est une aventure, avec ses surprises et ses rebondissements. J’ai quelques idées de départ, un ou deux personnages principaux, un fil qui part d’un crime ou d’un délit et que les flics, gendarmes ou journalistes vont devoir suivre… une vague trame formelle… et ensuite… Je suis les pas et la logique d’une enquête, elle ne mène pas toujours là je croyais vouloir l’emmener.

Si celui-ci était une boisson, ce serait ... ?
Un alcool fort, assurément. Plusieurs de mes personnages ont un faible pour le whisky. 

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