1.
Es-tu écrivain, romancier,
auteur ? Vois-tu une nuance entre ces termes ? Qu'est-ce que ces mots
représentent, pour toi ?
Auteur me parait
être un terme plus générique, ce n’est pas un titre, mais une
qualification. On est l’auteur d’un fait comme on est auteur
d’une œuvre, sans préjuger de sa qualité… (ça doit être mon
côté procédurière qui me fait relever cette précision). Je me
reconnaissais plutôt comme romancière, puisque j’écris
essentiellement des romans ou des nouvelles de fiction. Mais
aujourd’hui, mon activité principale étant d’écrire, des
romans et des nouvelles, donc, mais aussi des chroniques pour un
journal – toujours, j’écris – alors, je me sens légitimement
écrivaine, ou écrivain, suivant que je me lève d’un pied
féministe ou d’un pied neutre, plus souvent le premier cas que le
second d’ailleurs, mais en aurais-tu douté ?
2.
Ecrivain/Carrière. Ces deux mots
sont-ils compatibles ? Y penses-tu ? Anticipes-tu cet éventuel
avenir.
Carrière rime
avec carriériste… bof. Ecrire est une nécessité, un adage chaque
jour plus fort. Si mes livres me permettaient de vivre sans me
soucier de mes fins de mois, ça me rendrait probablement la vie plus
facile. Mais ce n’est pas un but. Ecrire est sans doute l’activité
qui me donne le sentiment le plus absolu de liberté, c’est
irremplaçable, grisant, mais parfois douloureux. On gagne et on perd
quand on se livre dans l’écriture.
3.
Combien de temps, de tentatives,
de refus, avant de décrocher un contrat à compte d'éditeur ?
Cinq ans entre le
premier manuscrit écrit et un autre édité, deux romans qui ne
seront jamais édités dans l’intervalle. Beaucoup de refus, mais
aussi beaucoup d’encouragements, la raison pour laquelle, sans
doute, j’ai pu progresser… Sûr qu’il ne faut pas se décourager
trop vite, et j’en reviens à ma constatation précédente :
écrire est une nécessité qui permet de ne pas s’arrêter à un
refus, de savoir tout recommencer, ou de tirer humblement des leçons
de ce qu’on n’avait pas voulu entendre au premier abord. J’ai
pas mal de manuscrits non édités dans mes tiroirs… des romans
entiers que je ne reprendrais jamais, d’autres que j’ai
finalement réécrit et qui ont été édités. Des textes inachevés
à la pelle ! Tout ça est une sombre alchimie, une histoire de
chance et de tempo. C’est parfois le bon moment, celui d’une
rencontre, parfois le train passe sans qu’on ait eu l’audace de
monter à bord. Mais les choses finissent par se révéler, il n’est
pas toujours bon de trop regarder en arrière. Je sais seulement que
je n’aurais pas écrit « Chiennes » (dernier roman,
sorti en août 2015) si je n’avais pas croisé la route de Pierre
Fourniaud et les éditions La Manufacture de livres.
Pourquoi
as-tu commencé à écrire ? Pourquoi continues-tu ?
Je ne sais pas
vraiment… même si j’ai bien quelques idées : une période
de ma vie qui m’obligeait à rester chez moi, des doutes, une
envie, un trop plein de lectures… que sais-je ? Mais une
phrase prononcée par mon premier psychanalyste ne m’a jamais
quittée. Il m’avait dit lors de notre second entretien : « On
écrit quand on a quelque chose à dire ». Cette phrase sonne
toujours aussi juste, et répond à la deuxième question… je crois
que j’ai encore beaucoup de chose à dire !
Que
penses-tu de la place de l'auteur dans le monde du livre et de
l'édition ?
Une place pourrie
mais aussi privilégiée… Le travail de création est réellement
sous-évalué, en terme économique, pour l’auteur. Mais sans cette
abnégation, qu’en serait-il de la littérature ? Ecrire est
une liberté immense qu’un salarié n’aura jamais, ni même
n’importe quel entrepreneur. Ecrire, c’est vivre, et ce n’est
pas un métier, même si ça peut le devenir. Tout ça est une
question de personnalité, de talent peut-être, de chance sûrement…
Mais qu’il ne soit pas question de rendement ou de rentabilité
! Pitié !
Comment
serait l'éditeur de tes rêves ? Quelles qualités essentielles
devrait-il posséder ?
Un ami, un
confident, un guide. Quelqu’un qui regarde dans la même direction,
quelqu’un de passionné et de malin.
Que
penses-tu du Trophée Anonym'us ?
J’aime l’idée
du partage et du jeu de cette expérience, que les individus se
rencontrent et échangent.
LES
QUESTIONS DE MADAME LOULOUTE...
Ton
dernier livre, c'est plutôt : Une intrigue aux petits oignons ? Des
personnages croqués avec gourmandise ? Une alchimie de saveurs ?
Pas d’oignon,
pas de gourmandise, et question saveur, elle est plutôt amère.
Tu
nous conseilles de le lire : Sur un canapé au coin du feu ? À
l'ombre d'un parasol ? Dans le bruit et la fureur d'une ville
surpeuplée ?
La lecture est en
soi un voyage. Certains livres se prêtent mieux au voyage et au
dépaysement que d’autres, mais d’un point de vu général,
entrer dans un livre, c’est oublier tout ce qui se passe autour.
Pour
« Chiennes », je conseille tout de même un endroit
confortable… pour ne pas ajouter de la douleur au malaise…
Ce
livre, c'est plutôt : Divertir le lecteur ? Le faire frissonner
d'angoisse ? Inviter à la réflexion ? Apporter un témoignage ?
C’est une
question sans réponse. On peut se divertir en frissonnant
d’angoisse, c’est même parfois le but. Pourquoi aime-t-on ça ?
Il n’y a pas de meilleure façon de comprendre le monde que par la
fiction, c’est un grand paradoxe qu’il ne m’appartient pas
d’analyser. Chacun son métier après tout !
Ton
écriture : Elle est comme Pénélope, qui fait, défait, et refait
chaque phrase jusqu'à ce qu'elle sonne juste ou bien un premier jet
juste retouché pour enlever quelques aspérités ?
Un peu des deux…
Mais plutôt un premier jet écrit dans une urgence assez
douloureuse, et après plusieurs mois de recherches documentaires et
de compilations de divers documents (dossiers d’instructions,
rapports de médecins légistes, retranscriptions d’écoutes
téléphoniques, chroniques de procès de trafic de stupéfiants et
de viols ou d’agressions sexuelles auxquels j’ai assisté...) Le
travail de réécriture s’est fait au fur et à mesure, en
retournant souvent en arrière, avant de proposer à l’éditeur une
première version qui n’a pas été beaucoup retouchée.
Ton
roman, comme un voyage, est-il : Un chemin au hasard qui t'emporte et
t'oblige à t'adapter aux obstacles imprévus qui le parsèment ? Un
périple longuement planifié, aux escales anticipées ? Un voyage «
théoriquement » organisé, mais qui ne se déroule jamais comme
prévu ?
La rédaction
d’un livre, pour ma part –chaque auteur à ses manies- ne se
déroule jamais comme prévu, d’autant que je ne fais pas de plan,
ni ne prévois de fin. C’est une aventure, avec ses surprises et
ses rebondissements. J’ai quelques idées de départ, un ou deux
personnages principaux, un fil qui part d’un crime ou d’un délit
et que les flics, gendarmes ou journalistes vont devoir suivre… une
vague trame formelle… et ensuite… Je suis les pas et la logique
d’une enquête, elle ne mène pas toujours là je croyais vouloir
l’emmener.
Si
celui-ci était une boisson, ce serait ... ?
Un
alcool fort, assurément. Plusieurs de mes personnages ont un faible
pour le whisky.
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