
Aujourd’hui
l’interview de Balthazar Tropp
1.
Certains auteurs du noir et du Polar ont parfois des comportements
borderline en salon. Faites-vous partie de ceux qui endossent le rôle
de leurs héros ou protagonistes pendant l'écriture, histoire d'être
le plus réaliste possible ?
Bande
de psychopathes !
Dans
mon salon ? (rire ) J’écris des histoires relativement
chiantes sur des types névrosés, et cette activité me plonge dans
des abimes d’angoisse que je transporte de ma chambre à la
cuisine, en passant par les petits coins, le dressing et la douche.
Alors votre salon !..
2.
Douglas Adams est promoteur de 42 comme réponse à la vie, l’univers
et le reste. Et vous quelle est votre réponse définitive ?
Est-ce
qu’on est en train de parler de la réponse absolue ? Celle
qui règlerait toutes les autres ? La clé de la paix, de la
sérénité et de la joie ? Merci de garder vos menaces pour
d’autres, je ne mange pas de ce pain-là.
3.
Y a-t-il un personnage que vous avez découvert au cours de votre
vie de lecteur et avec lequel vous auriez aimé passer une soirée ?
Disons
une soirée que j’ai découverte via un personnage (Ringolevio,
Emmeth Grogan). Une chaude nuit en Août 67, à San Francisco ,USA.
Une petite sauterie en appartement organisée par les Diggers de San
Francisco (Les vrai Diggers quoi, les premiers). Quelques personnes,
un peu de LSD. Débarquent : Ginsberg, Burrough, Cassady, Kesey,
le jeune tom Wolf, le Yellow Submarine ( un camion ) des Pranksters,
mais aussi les états majors des Hell’s Angels et des Black
Panthers. Bientôt la soirée déborde dans la rue. Mille personnes.
Deux milles. Trois milles. La police débarque. Arrête le patron des
Hell’s. Une foule immense converge vers le comico, portant un
cercueil chargé de billets pour payer la caution. Les flics
paniquent et libèrent le larron. Bref une sacré soirée.
4.
Si tu devais avoir un super pouvoir ce serait lequel et pourquoi?
Flash.
Je serais Flah. C’est pas très original, mais je pourrais faire
des sacrés tours de magie, gagner une ou deux médailles olympiques,
braquer suffisament de camions de la Brink’s pour me mettre à
l’abri, et utiliser les propriétés de la relativité restreinte
pour vivre mille ans et écrire une série de 137 romans.
5.
Est-ce que tu continuerais à écrire si tu n'avais plus aucun
lecteur ? (même pas ta mère)
Non,
je rêvasserai plutôt. Je suis pas très #plaisirdecrire, et je vois
pas pourquoi je me ferais chier comme je le fais si personne n’était
là pour voir le résultat.
6.
Quel a été l'élément déclencheur de ton désir d'écrire ?
Est-ce un lieu, une personne, un événement ou autre ?
C’est
Martin Eden, de Jack London qui a été le déclencheur. Ce désir a
ensuite largement été alimenté par John Fante, Bukowski et plus
localement par Philippe Djian. Je fantasme largement la galère de
l’écrivain, travailler sans être lu, n’avoir pas de
reconnaissance, pas de flouze. Du coup en ce moment je suis aux
anges !
7.
Est-ce que le carmin du sang de ses propres cicatrices déteint
toujours un peu dans l'encre bleue de l'écriture ?
Oui
grave. Je dirais même : l’on orne la nacre nos fantasmes du
liséré pourpre de nos saignements… Et biiiiim !
8.
Penses tu qu'autant de livres seraient publiés si la signature était
interdite ? Et toi, si comme pour le trophée Anonym'us, il fallait
publier des livres sous couvert d'anonymat, en écrirais-tu ?
En
réalité, je pense que si les maisons d’édition se décidaient à
anonymiser tous les manuscrits qu’elles recevaient (y compris les
auteurs déjà publiés), cela ferait un bien fou à la littérature.
Ca va peut-être pas plaire à mes collègues professionnels de ce
concours, et peut-être que je changerais d’avis si jamais j’étais
moi aussi publié, mais je pense que l’énergie et la folie qu’il
faut mettre pour faire un bon roman se nourrit beaucoup de l’angoisse
que le bouquin ne soit pas publié. Après c’est un point de vue
très personnel. Je veux me fâcher avec personne…
9.
Pourquoi avoir choisi le noir dans un monde déjà pas rose ?
Je
suis plus gris que noir, mais on m’a proposé de participer à ce
concours, et ça a été à ma grande surprise un grand moment de
joie. Il y a un côté je trouve super relaxant à imaginer le pire,
en vrai ça en devient presque drôle.
10.
Quelles sont pour toi les conditions optimales pour écrire ?
Le
matin, trois heures, avec open café-clope, des boules Quies et des
gens autour qui font leur truc sans te solliciter. La cerise sur le
gateau c’est d’avoir un être, que tu aimes, et qui te demande de
lire ce que tu as fait. Allez, un petit lectorat, qui te suit, qui
t’envoie des messages pour te dire que c’est cool et qu’ils en
veulent encore. On peut rêver…
11.
si vous deviez être ami avec un personnage de roman, lequel
serait-ce?
Je
pense que le personnage qui m’a le plus touché, c’est Arthuro
Bandini, l’alter ego de John Fante dans quasi tous ses romans. Je
lis Un chien stupide, et je chiale, littéralement, j’ai envie de
le prendre dans mes bras.
12.
Quel est ton taux de déchet (nombre de mots finalement gardés /
nombre de mots écrits au total ) ? Si tu pouvais avoir accès aux
brouillons/travaux préparatoires d’une œuvre, laquelle serait-ce
?
J’ai
un fort taux de déchet, j’écris à deux à l’heure, et je sais
pas si je dois mettre ça sur le compte d’un manque de confiance en
moi ou d’une exigence nazistique. Si j’avais accès à des
brouillons, ce serait ceux de la série des Rougons-Macquart. Je
trouve que ce qu’a fait Zola sur ce coup, c’est surement le
travail littéraire le plus ambitieux qui m’ait été donné de
lire, et je serais curieux de savoir comment il s’est organisé
pour ne pas s’y perdre.
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