mardi 9 octobre 2018

L'interview de la semaine : Guy Masavi


Cette année, ce sont les auteurs eux-mêmes qui ont concocté les questions de l’interview, celles qui leur trottent dans la tête, celles qu’on ne leur pose jamais, ou tout simplement celles qu’ils aimeraient poser aux autres auteurs.



Aujourd’hui l’interview de Guy Masavi



1. Certains auteurs du noir et du Polar ont parfois des comportements borderline en salon. Faites-vous partie de ceux qui endossent le rôle de leurs héros ou protagonistes pendant l'écriture, histoire d'être le plus réaliste possible ?
Bande de psychopathes !
Heu, les salons… Je n’ai pas eu l’occasion d’y foutre le bordel et il y a peu de chance que ce soit le cas un jour. À vrai dire mes héros sont les exutoires de mes inhibitions. Je ne change de peau que la plume à la main.
2. Douglas Adams est promoteur de 42 comme réponse à la vie, l’univers et le reste. Et vous quelle est votre réponse définitive ?
Peut-être un peu la même que Douglas mais très honnêtement je préfère le quarante-quatre qui est ma taille de pantalon. Plus sérieusement, j’aurais aimé, comme lui, avoir pour ami Richard Dawkins l’auteur de la campagne de pub la plus Iconoclaste imaginable.
Il a fait afficher sur les bus londoniens :
« Dieu n’existe probablement pas. Maintenant, arrêtez de vous inquiéter, et profitez de la vie ».
3. Y a-t-il un personnage que vous avez découvert au cours de votre vie de lecteur et avec lequel vous auriez aimé passer une soirée ?
Jean-Baptiste Adamsberg sans hésiter. Je l’ai rencontré dans le Mercantour autour d’un feu de bois. Les loups hurlaient non loin et leurs chasseurs alcoolisés rêvaient d’un monde sans eux. Nous, ça nous a bien fait marrer et depuis on ne se quitte plus.
4. Si tu devais avoir un super pouvoir ce serait lequel et pourquoi?
Celui de guérir les cons.
C’est peut-être une déformation professionnelle, mais cette maladie est la plus effroyable que je connaisse. Elle est héréditaire, mais peut se transmettre avec une fulgurance inouïe. Elle est ubiquitaire avec une prépondérance masculine et n’épargne que les enfants jusqu’à l’adolescence. C’est dire le fléau ! Aussi virulente je connais pas, seul de supers pouvoirs pourrait en venir à bout. Je ne sais pas lesquels. Pas sûr qu’un super héros musculeux soit efficace à moins de vouloir combattre le mal par le mal.
Le pire c'est qu’il y a sans doute des porteurs sains qui s’ignorent.
5. Est-ce que tu continuerais à écrire si tu n'avais plus aucun lecteur ? (même pas ta mère)
Je ne l’ai plus depuis longtemps, ma mère. Les tiroirs de mon blog perso sont pleins et son compteur ne décolle pas. Pourtant je continue d’écrire, c’est dire…
6. Quel a été l'élément déclencheur de ton désir d'écrire ? Est-ce un lieu, une personne, un événement ou autre ?
Le Goncour remis à l’écrivain Jean Carrière. J’avais seize ans. Il a écrit six romans. L’épervier de Maheux son second a été le lauréat puis plus rien pendant de longues années. La panne… Je languissais ses livres. C’est dans cette période que je me suis mis à écrire, mais la barre était un peu haute pour satisfaire mes ambitions littéraires cachées de l’époque !
7. Est-ce que le carmin du sang de ses propres cicatrices déteint toujours un peu dans l'encre bleue de l'écriture ?
Voilà une question qui a de la gueule !
Je dirai oui, mais guère plus que l’encre noire d’un « Poulpe » révolté dans l’océan du libéralisme mondialisé.
8. Penses tu qu'autant de livres seraient publiés si la signature était interdite ? Et toi, si comme pour le trophée Anonym'us, il fallait publier des livres sous couvert d'anonymat, en écrirais-tu ?
Probablement, mais le miroir aux alouettes du profit reste le plus grand moteur de l’écriture par le biais des maisons d’édition. Perso, j’écris sous licence Art Libre la moins contraignante de toutes. Ça calme l’Ego !
Je signe déjà d’un pseudo. Pour faire une confidence exclusive dans cette interview et qui va exciter le Landerneau littéraire,mon vrai nom est Martin et , vous allez rire, mon prénom Christian. Avec un tel patronyme dans la multitude de mes homonymes, je suis déjà anonyme !
9. Pourquoi avoir choisi le noir dans un monde déjà pas rose ?
Parce que le noir est la couleur de ma philosophie, que le rose on a donné et que le vert de gris menace encore.
10. Quelles sont pour toi les conditions optimales pour écrire ?
J’ai peur de me fondre dans la banalité. Le silence, le calme, la solitude et mon chien Lucky pour premier avis. Pour cela j’ai la chance d’avoir un fourgon aménagé où je peux ainsi m’isoler à ma guise en Margeride, haut plateau lozérien. C’est dire comme j’y suis pénard pour écrire en paix et relire mes brouillons à mon Lulu qui adore toujours. Ça se lit dans ses yeux… Si, si !
11. si vous deviez être ami avec un personnage de roman, lequel serait-ce?
C’est encore un flic. Fabio Montale, le personnage de Jean Claude Izzo dans sa trilogie marseillaise. Un flic, oui, au début, mais pas fier de l’être et de moins en moins au fil des récits. C’est comme ça que je les aime les flics, mais ils sont si rares ainsi dans la vraie vie. J’en connais un rayon mon père en était un. Mais il était plus fier d’avoir été l’un des rares policiers résistants de la dernière guerre que le petit collabo aux pouvoirs qui suivirent jusqu’en mai 68, année de sa retraite.
12. Quel est ton taux de déchet (nombre de mots finalement gardés / nombre de mots écrits au total ) ? Si tu pouvais avoir accès aux brouillons/travaux préparatoires d’une œuvre, laquelle serait-ce ?
Le paquet !
Entre les fôte d’orthographe qui font légions et les phrases mal foutues que je détecte à la dixième ou onzième relecture, je te dis pas ! Heureusement que je n’écris que des nouvelles ou presque, de vingt ou trente mille caractères maxi.
Si je devais avoir accès aux brouillons d’une œuvre ? Sait pas… Je dirai comme ça, La Semaine sainte de Louis Aragon. Parce que c’est un roman historique qui a sûrement demandé une sacrée recherche en amont.
Puis, huit cents pages, tout de même ! Je n’ose imaginer le même taux de déchets que moi. Et enfin je sais qu’Aragon a légué ses archives personnelles de son vivant à la bibliothèque nationale où les brouillons de cette œuvre doivent traîner.



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