Cette année, ce sont les auteurs eux-mêmes qui ont concocté les questions de l’interview, celles qui leur trottent dans la tête, celles qu’on ne leur pose jamais, ou tout simplement celles qu’ils aimeraient poser aux autres auteurs.
Aujourd’hui
l’interview de Guy
Masavi
1.
Certains auteurs du noir et du Polar ont parfois des comportements
borderline en salon. Faites-vous partie de ceux qui endossent le rôle
de leurs héros ou protagonistes pendant l'écriture, histoire d'être
le plus réaliste possible ?
Bande
de psychopathes !
Heu,
les salons… Je n’ai pas eu l’occasion d’y foutre le bordel et
il y a peu de chance que ce soit le cas un jour. À vrai dire mes
héros sont les exutoires de mes inhibitions. Je ne change de peau
que la plume à la main.
2.
Douglas Adams est promoteur de 42 comme réponse à la vie, l’univers
et le reste. Et vous quelle est votre réponse définitive ?
Peut-être
un peu la même que Douglas mais très honnêtement je préfère le
quarante-quatre qui est ma taille de pantalon. Plus sérieusement,
j’aurais aimé, comme lui, avoir pour ami Richard
Dawkins l’auteur de la
campagne de pub la plus Iconoclaste imaginable.
Il
a fait afficher sur les bus londoniens :
« Dieu
n’existe probablement pas. Maintenant, arrêtez de vous inquiéter,
et profitez de la vie ».
3.
Y a-t-il un personnage que vous avez découvert au cours de votre
vie de lecteur et avec lequel vous auriez aimé passer une soirée ?
Jean-Baptiste
Adamsberg sans hésiter. Je l’ai rencontré dans le Mercantour
autour d’un feu de bois. Les loups hurlaient non loin et leurs
chasseurs alcoolisés rêvaient d’un monde sans eux. Nous, ça nous
a bien fait marrer et depuis on ne se quitte plus.
4.
Si tu devais avoir un super pouvoir ce serait lequel et pourquoi?
Celui
de guérir les cons.
C’est
peut-être une déformation professionnelle, mais cette maladie est
la plus effroyable que je connaisse. Elle est héréditaire, mais
peut se transmettre avec une fulgurance inouïe. Elle est ubiquitaire
avec une prépondérance masculine et n’épargne que les enfants
jusqu’à l’adolescence. C’est dire le fléau ! Aussi
virulente je connais pas, seul de supers pouvoirs pourrait en venir à
bout. Je ne sais pas lesquels. Pas sûr qu’un super héros
musculeux soit efficace à moins de vouloir combattre le mal par le
mal.
Le
pire c'est qu’il y a sans doute des porteurs sains qui s’ignorent.
5.
Est-ce que tu continuerais à écrire si tu n'avais plus aucun
lecteur ? (même pas ta mère)
Je ne l’ai plus depuis longtemps, ma mère. Les tiroirs de mon blog perso sont pleins et son compteur ne décolle pas. Pourtant je continue d’écrire, c’est dire…
6.
Quel a été l'élément déclencheur de ton désir d'écrire ?
Est-ce un lieu, une personne, un événement ou autre ?
Le
Goncour remis à l’écrivain Jean Carrière. J’avais seize ans.
Il a écrit six romans. L’épervier de Maheux son second a été le
lauréat puis plus rien pendant de longues années. La panne… Je
languissais ses livres. C’est dans cette période que je me suis
mis à écrire, mais la barre était un peu haute pour satisfaire mes
ambitions littéraires cachées de l’époque !
7.
Est-ce que le carmin du sang de ses propres cicatrices déteint
toujours un peu dans l'encre bleue de l'écriture ?
Voilà
une question qui a de la gueule !
Je
dirai oui, mais guère plus que l’encre noire d’un « Poulpe »
révolté dans l’océan du libéralisme mondialisé.
8.
Penses tu qu'autant de livres seraient publiés si la signature était
interdite ? Et toi, si comme pour le trophée Anonym'us, il fallait
publier des livres sous couvert d'anonymat, en écrirais-tu ?
Probablement,
mais le miroir aux alouettes du profit reste le plus grand moteur de
l’écriture par le biais des maisons d’édition. Perso, j’écris
sous licence Art Libre la moins contraignante de toutes. Ça calme
l’Ego !
Je
signe déjà d’un pseudo. Pour
faire une confidence exclusive dans cette interview et qui va exciter
le Landerneau littéraire,mon
vrai nom est Martin et , vous allez rire, mon prénom Christian. Avec
un tel patronyme dans la multitude de mes homonymes, je suis déjà
anonyme !
9.
Pourquoi avoir choisi le noir dans un monde déjà pas rose ?
Parce
que le noir est la couleur de ma philosophie, que le rose on a donné
et que le vert de gris menace encore.
10.
Quelles sont pour toi les conditions optimales pour écrire ?
J’ai
peur de me fondre dans la banalité. Le silence, le calme, la
solitude et mon chien Lucky pour premier avis. Pour cela j’ai la
chance d’avoir un fourgon aménagé où je peux ainsi m’isoler à
ma guise en Margeride, haut plateau lozérien. C’est dire comme j’y
suis pénard pour écrire en paix et relire mes brouillons à mon
Lulu qui adore toujours. Ça se lit dans ses yeux… Si, si !
11.
si vous deviez être ami avec un personnage de roman, lequel
serait-ce?
C’est
encore un flic. Fabio Montale, le personnage de Jean Claude Izzo dans
sa trilogie marseillaise. Un flic, oui, au début, mais pas fier de
l’être et de moins en moins au fil des récits. C’est comme ça
que je les aime les flics, mais ils sont si rares ainsi dans la vraie
vie. J’en connais un rayon mon père en était un. Mais il était
plus fier d’avoir été l’un des rares policiers résistants de
la dernière guerre que le petit collabo aux pouvoirs qui suivirent
jusqu’en mai 68, année de sa retraite.
12.
Quel est ton taux de déchet (nombre de mots finalement gardés /
nombre de mots écrits au total ) ? Si tu pouvais avoir accès aux
brouillons/travaux préparatoires d’une œuvre, laquelle serait-ce
?
Le
paquet !
Entre
les fôte d’orthographe qui font légions et les phrases mal
foutues que je détecte à la dixième ou onzième relecture, je te
dis pas ! Heureusement que je n’écris que des nouvelles ou
presque, de vingt ou trente mille caractères maxi.
Si je devais avoir accès aux brouillons d’une œuvre ? Sait pas… Je dirai comme ça, La Semaine sainte de Louis Aragon. Parce que c’est un roman historique qui a sûrement demandé une sacrée recherche en amont.
Puis,
huit cents pages, tout de même ! Je n’ose imaginer le même
taux de déchets que moi. Et enfin je sais qu’Aragon a légué ses
archives personnelles de son vivant à la bibliothèque nationale où
les brouillons de cette œuvre doivent traîner.
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