- 1- Es-tu écrivain, romancier, auteur ? Vois-tu une nuance entre ces termes ? Qu'est-ce que ces mots représentent, pour toi ?
- Si on doit vraiment se coller une étiquette, je dirais que le vocable auteur est plus approprié, avec la réserve que « auteur », c’est un peu comme « artiss », c’est plus une pose qu’une activité, et faut jouer avec la mèche rebelle. Mais quand même auteur, un peu par élimination.
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D’abord parce qu’un écrivain, ben c’est Montherlant, c’est Albert Cohen, c’est Dosto et Céline, C’est Drieu et Maupassant, c’est toute cette armée de fantôme qui me pèse sur les épaules quand j’ai l’idée saugrenue de prendre un stylo. Tu peux être auteur, tu peux vendre des kilomètres de livres, c’est l’histoire qui dira que t’es un écrivain.
Romancier, on pourrait s’approcher, mais je me pique d’être musicien, un peu compositeur, je me suis essayé au story-board, au scenario pour différent support. Donc oui, je crois que ce qui résume le mieux tout ça, ça reste auteur.
2- Ecrivain/Carrière. Ces deux mots sont-ils compatibles ? Y penses-tu ? Anticipes-tu cet éventuel avenir?
Comme disait l’autre, vivre de ma plume, je n’y pense pas que le matin en me rasant. Je crois dur comme fer qu’être auteur, c’est un peu avoir un billet de loto dans la poche. Tant qu’on ne joue pas, on est sûr de ne pas gagner. Sorti de là, et sans s’étendre sur les nécessité économiques de tout un chacun, une carrière, j’en ai eu une, et je lui tourné le dos pour plusieurs raisons, parmi lesquelles figurait en bonne place le peu de disponibilité qu’elle laissait à la maladie de l’écriture pour s’exprimer. Je ne parle pas que temps de travail, mais du contexte, la pression, les dossiers que tu trimballes dans la tête à longueur de temps, la course en avant effrénée pour… ben au moment où j’ai plus trop su pourquoi, j’ai arrêté.
3- Combien de temps, de tentatives, de refus, avant de décrocher un contrat à compte d'éditeur ? Combien de temps, de tentatives, de refus, jusqu'à aujourd'hui, pour parvenir à décrocher un contrat à compte d'éditeur? (Non édités )
Sérieusement, j’ai arrêté de compter. J’ai envoyé deux manuscrits et un projet de BD à des éditeurs. Les premiers refus, c’est un peu comme une gifle. Après, une fois que t’as fait ta petite victime dans ton coin, ben tu retournes au boulot, tu retravailles ton texte, t’essaie de comprendre la logique. Bilan : un scénario de BD envoyé à une maison qui arrête ses publications : brillant. Un texte difficilement publiable en l’état parce qu’un format complètement batard (50 pages, trop gros pour une nouvelle, trop court pour un roman, faut tomber juste). Et un gros roman, qui sera publié tôt ou tard, qui attend patiemment de rencontrer son éditeur. Encore combien de tentatives ? Autant qu’il faudra.
4- Pourquoi as-tu commencé à écrire ? Pourquoi continues-tu ?
Je ne sais pas vraiment. Dès que j’ai su aligner deux mots, j’ai commencé à écrire des histoires. C’est une maladie infantile et incurable. Et pour être honnête, je n’ai jamais cherché à me soigner.
5- Que penses-tu de la place de l'auteur dans le monde du livre et de l'édition ?
Dur, hein, je suis un auteur non publié (ou presque). Là, j’ai une nouvelle qui est sortie dans une anthologie, chez le Grimoire. C’est de l’édition associative, fait par des passionnés, pour des passionnés, toute une petite équipe avec qui je m’entends très bien. On a fait le salon du livre en mars, et je vais te dire ce que ça m’a fait de voir tous ces auteurs au milieu de l’agitation éditoriale : un peu de peine. Dans une grosse machine comme ça, qui est quand même le fleuron de l’industrie du livre, ben le littérateur il est aussi à l’aise qu’un poisson rouge sur la moquette. T’as un peu l’impression que c’est le seul qui cherche sa place…
6- Comment serait l'éditeur de tes rêves ? Quelles qualités essentielles devrait-il posséder ?
Déjà, l’éditeur de mes rêves, il lirait tout ce qu’on lui envoie… Il suit pas la mode, il ne surfe pas sur ce qui marche, il cherche le talent. Il est dans un processus créatif, comment faire de ce texte que j’aime un bouquin qui va rencontrer ses lecteurs, et de cet auteur en devenir un écrivain confirmé qui ne sera pas obligé de jouer le garde meuble ou le banquier pour pouvoir subsister quand son vrai talent est ailleurs.
7- Que penses-tu du Trophée Anonym'us ?
Pendant longtemps, rencontrer d’autres auteurs, ça ne m’intéressait pas. Je ne savais pas quoi leur dire, ni comment et encore moins pourquoi. Et puis, tout arrive, à l’occasion de La Cour des Miracles, du coup, j’en ai rencontré quelques-uns. Et j’ai trouvé ça : sympa, intéressant, enrichissant. Et marrant, bien sûr. Partager avec d’autres malades, publiés ou non, sur les « petits trucs », sur la gestion très concrète du timing écriture/vie de famille/boulot au quotidien, voir dans ce mec à qui tu n’as jamais parlé un semblable si proche… Alors quand on m’a parlé du trophée Anonym’us, j’ai regardé un peu de quoi il retournait et je me suis dit : ça mon coco, tu ne passes pas à côté.
LES
QUESTIONS DE MADAME LOULOUTE...
1- Ton dernier livre, c'est plutôt : Une intrigue aux petits oignons ? Des personnages croqués avec gourmandise ? Une alchimie de saveurs ?
Un plat mijoté. Je suis un adepte de la structure solide que les personnages viennent bousculer. J’ai mis beaucoup de choses dans ma dernière histoire, et je crois que c’est une tendance récurrente. La structure me sert à garder tout ça cohérent. L’intrigue, c’est un peu le motif mélodique de l’histoire, elle vient en révéler les personnages.
2- Tu nous conseilles de le lire : Sur un canapé au coin du feu ? À l'ombre d'un parasol ? Dans le bruit et la fureur d'une ville surpeuplée ?
Où tu veux, c’est toi la lectrice. Quand un bouquin me plaît, je peux le lire debout sous la pluie. Je l’ai écrit partout, tu peux le lire à l’avenant.
3- Ce livre, c'est plutôt : Divertir le lecteur ? Le faire frissonner d'angoisse ? Inviter à la réflexion ? Apporter un témoignage ?
Ce livre, c’est celui que j’aurai eu envie de lire. Une histoire, noire, poisseuse, vécue par des personnages déchirés, un peu paumés, dans un monde qui poursuit indifféremment sa marche vers le pire. Alors on peut rire, pleurer, apprendre, réfléchir.
4- Ton écriture : Elle est comme Pénélope, qui fait, défait, et refait chaque phrase jusqu'à ce qu'elle sonne juste ou bien un premier jet juste retouché pour enlever quelques aspérités ?
Toutes mes histoires, je les garde en toile de fond pendant un bon moment avant de commencer à en poser la trame. Je les malaxe, je les affine, je les malmène un peu. Quand je sens que j’ai enfin quelque chose de clair et de solide, quand je sais quelle histoire je vais raconter, je me pose sérieusement la question de comment je vais le faire. Maupassant a publié deux versions du Horla. La première, c’est un médecin qui expose à des confrères le cas particulier d’un de ses patients. Et c’est une bonne histoire. Un an plus tard, une nouvelle version est publiée, cette fois, sous la forme du journal du patient lui-même. Et c’est un chef d’œuvre. Et pourtant, c’est exactement la même histoire. J’attache une grande importance au processus narratif. Il faut que je le tienne avant de commencer à rédiger. Sinon, de toutes manières, le passage sera réécrit. Quand j’ai tout ça, je me lance dans la rédaction. A la main, sur des cahiers d’écolier (parce que c’est le format que je peux transporter le plus facilement). Je peux écrire cinq pages d’une traite ou passer deux heures sur une phrase. Et plus tard, je tape tout ça, ce qui est déjà une réécriture.
5- Ton roman, comme un voyage, est-il : Un chemin au hasard qui t'emporte et t'oblige à t'adapter aux obstacles imprévus qui le parsèment ? Un périple longuement planifié, aux escales anticipées ? Un voyage « théoriquement » organisé, mais qui ne se déroule jamais comme prévu ?
Donc, j’ai une trame, aussi détaillée que possible, un résumé de chaque passage que je vais écrire. Et bien sûr, je ne m’y tiens pas. Parce qu’un personnage me surprend, apparaît au fil d’une page, prend de l’importance, parce qu’il dit ou fait quelque chose qui me surprend (c’est dire l’insolence de la créature), parce qu’à bien y réfléchir l’histoire serait meilleure si…
6- Si celui-ci était une boisson, ce serait ... ?
Un bon scotch, sans glaçon. Il te descend dans le bide en te faisant savoir qu’il n’est pas là pour rigoler, il ne te ment pas, mais il te réchauffe. Et comme c’est un alcool de qualité, en plus, tu sais que t’auras pas la gueule de bois
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