Mon premier manuscrit envoyé,
c’est un « Poulpe » de la série culte des années 90 créée par
Jean-Bernard Pouy. À propos de ce petit polar, j’ai une anecdote : je ne
connaissais pas cette série écrite par des auteurs différents à partir d’une bible commune. Or le premier
« Poulpe » que je lis (de Pascal Dessaint) se passe exactement là où je
possède une grange à foin que je retape alors chaque été en Ariège : le
crime est même commis dans ma grange.
Tout y est, les lieux, les gens et… l’ours. Y voyant un signe, j’écris en 2
mois ½ un « Poulpe » que j’adresse à l’éditeur La Baleine. Mon
manuscrit sera publié… quatre ans plus tard. Inutile de dire que je n’y croyais
plus. Le bouquin s’est très bien vendu. Alors que l’éditeur était sur le point
d’en faire une BD, dépôt de bilan… pas de bol.
Le personnage principal de ma propre série des « Polycarpe »
porte le patronyme de Houle, histoire de filer la métaphore maritime en hommage
à La Baleine et au Poulpe qui m’ont porté chance.
2. Écrire… Quelles sont vos exigences vis à vis de votre écriture ?
Le style fait l’œuvre,
comme la gestuelle et les expressions sont le reflet de la personnalité.
Au-delà de l’histoire qui est racontée, le plaisir de la lecture vient du
rythme, des sonorités, du choix des mots, des tournures de phrases, du point de
vue de la narration : on doit montrer les scènes sous différents angles,
zoomer, prendre du champ, etc. L’effet produit sur le lecteur doit être
l’objectif de l’écrivain. On écrit pour être lu, pour témoigner le mieux
possible de notre condition d’humain, non pour complaire à soi-même. Contrairement
aux apparences, les styles les plus limpides sont les plus chiadés. J’approuve
ce que dit Éric Maravélias sur les dialogues : dans un roman, on ne peut
pas reproduire les dialogues de la vraie vie, ce serait insupportable pour le
lecteur.
Tous les genres littéraires sont possibles, mais c’est par l’écriture que
l’auteur va plus ou moins toucher le lecteur, laisser son empreinte.
3. Écrire… Avec ou sans péridurale ?
Sans. Je suis même tellement
maso que les douleurs de l’enfantement, ça me plaît… Et puis, comme pour les
vrais naissances, une fois le « travail » fini, on se réjouit de son
bébé, on ne se souvient plus de la douleur.
4. Écrire… Des rituels, des petites manies ?
Quand j’ai beaucoup
travaillé un paragraphe que je dois supprimer, ça me fait mal au cœur, alors je
le place dans un fichier nommé « paragraphes en réserve » avec la
consolation de me dire que je les réutiliserai. En fait, je ne les réutilise
jamais…
Sinon, j’aime boire un whisky à la fin d’une
journée d’écriture, pour passer agréablement du monde virtuel au monde
réel !
5. Écrire… Nouvelles, romans, deux facettes d’un même art. Qu’est-ce qui
vous plaît dans chacune d’elles ?
Écrire des nouvelles est pour moi un art un
peu frustrant car j’aime entrer dans l’intimité de mes personnages, les
retrouver comme des amis, ce que me procure l’écriture des romans. Le roman
rend compte de la vie en société, tandis que la nouvelle montre des personnages
à un moment clé de leur destinée. En dehors de ma saga des
« Polycarpe », j’aime écrire des « instantanés », sorte de
récits courts où je montre des comportements révélateurs d’une personnalité,
sans scénarios ni chutes… qui épinglent nos congénères.
6. Votre premier lecteur ?
Quand le livre est achevé,
quand je ne me demande plus comment je vais continuer le récit parmi les
dizaines d’options narratives possibles, je fais ma propre relecture. Mais mon
mari est le véritable premier lecteur, intransigeant mais juste. Il ne laisse
passer aucune invraisemblance, ni erreur de date… Je ne soumets plus mes
manuscrits à mes amies ; malgré leur bienveillance, elles considèrent que
tant qu’un livre n’est pas imprimé, il n’est pas fini et me suggèrent d’autres péripéties,
une autre fin…
7. Lire… Peut-on écrire sans lire ?
Pendant les périodes
d’écriture intense, je lis peu de fictions. Je lis des biographies, des revues,
des journaux. Je ne veux pas me laisser influencer par l’écriture des autres
auteurs. Je vis en symbiose avec mes personnages ; le soir je m’endors en
imaginant ce qu’ils feront le lendemain…. Hors période d’écriture, en revanche,
je lis beaucoup. Je suis tentée par les romans promus dans la presse, je les
achète, mais hélas je suis souvent déçue… J’apprécie bien les chroniques des
blogueuses littéraires qui permettent de faire un choix avant d’acheter les
livres.
8. Lire… Votre (vos) muse(s) littéraire(s) ?
Caldwell avec Jenny toute nue, Duras et ses petits
chevaux de Tarquinia, Virginia Woolf avec Mrs Dalloway et La promenade
au phare… mais aussi Le Décaméron
de Boccace, Les Illusions perdues, L’éducation sentimentale… Les auteurs qui
m’ont donné envie d’écrire des romans policiers : G. Leroux et A. Christie.
Et j’ai de la reconnaissance pour Lilian Jackson Braun (la série des chats, Les grands détectives) qui a inventé le
roman policier sans policier, sans détective, sans violence, voire sans
suspense… mais non sans humour ; grâce à elle, j’ai su que c’était
possible !
9. Soudain, plus d’inspiration, d’envie d’écrire ! Y pensez-vous ? Ça vous
est arrivé !
Ça vous inquiète ? Que feriez-vous ?
Je n’éprouve pas
l’envie d’écrire, mais le besoin. Un besoin aussi irrépressible que manger ou
dormir. De sorte que je ne risque pas la panne ! L’inspiration, c’est
autre chose et ça se résout par le travail. J’ai peur parfois d’être empêchée
physiquement d’écrire, je m’imagine mal écrire en clignant des yeux… là,
j’abandonne d’avance.
10. Pourquoi participer au Trophée Anonym'us ?
C’est une initiative
formidable qui met en œuvre des valeurs que je partage : auteurs édités et
non édités sur la même ligne de départ, un prix non bidouillés, des lecteurs
internautes qui donnent leur avis… et faire partie d’une petite bande
d’énergumènes à cicatrices …
11. Voyez-vous un lien entre la noirceur, la violence de nos sociétés et du
monde en général, et le goût, toujours plus prononcé des lecteurs pour le
polar, ce genre littéraire étant en tête des ventes ?
Si le polar est
aujourd’hui en tête des ventes, c’est que le pouvoir des bien-pensants de la
littérature a perdu du terrain. Les demoiselles Lelongbec qui tenaient les
librairies et qui régnaient sur les bibliothèques ont passé la main… La
violence de nos sociétés est seulement plus visible : au temps de saint
Polycarpe, (1er siècle après J-C) on torturait, on brûlait, on
écorchait son prochain pour un oui, un non ! Les polars sondent la
violence, en éclairent les causes, montrent les terribles failles de nos
congénères.
12. Vos projets, votre actualité littéraire ?
En dehors du
prochain Polycarpe, Le dernier clou du cercueil, le 8ème
de la série, qui sortira en 2018 si tout va bien, je vais publier Les petits secrets de Polycarpe, un
recueil de réflexions sur l’écriture de ma série et sur l’écriture en général.
Je prépare actuellement, avec mon confrère Denis Soubieux et ma consœur
Nicole Parlange, la deuxième édition de POLAR SUR LOIRE, le salon du polar qui
réunit des auteurs de Touraine et du Val de Loire. Ce salon est organisé par
des auteurs pour des auteurs, sans interventions d’élus et sans subventions. L’an
passé, nous avons fait un tabac. Il aura lieu le 25 novembre 2017, salle
Ockeghem, dans le Vieux Tours, de 10 h 30 à 19 h.
13. Le (s) mot(s) de la fin ?
Salut aux participants du concours Anonym’us et aux organisateurs.
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