Cette
année, ce sont les auteurs eux-mêmes qui ont concocté les
questions de l’interview, celles qui leur trottent dans la tête,
celles qu’on ne leur pose jamais, ou tout simplement celles qu’ils
aimeraient poser aux autres auteurs.
Aujourd’hui
l’interview de Tom
Noti
1.
Certains auteurs du noir et du Polar ont parfois des comportements
borderline en salon. Faites-vous partie de ceux qui endossent le rôle
de leurs héros ou protagonistes pendant l'écriture, histoire d'être
le plus réaliste possible ?
Bande
de psychopathes !
Personnellement,
les personnages de mes romans sont des types plutôt taciturnes,
mélancoliques, parfois amnésiques, souvent malheureux, ils plaquent
leur famille, ne veulent pas d’enfants voire détestent les gosses,
ils fuient leurs amis et s’entourent de solitude, ils se cherchent
beaucoup. L’un de mes personnages est aussi une femme… bref, tout
ça pour dire que ma famille supporterait moyen l’idée que
j’endosse ces rôles-là…
2.
Douglas Adams est promoteur de 42 comme réponse à la vie, l’univers
et le reste. Et vous quelle est votre réponse définitive ?
Ma
réponse est d’abord que Douglas Adams était trop intelligent pour
être heureux et cherchait sans doute beaucoup trop pour pouvoir
trouver. Je le préfère dans sa collaboration aux délires des Monty
Pithon et je conserve leur folie commune comme réponse définitive
aux interrogations sur le sens de la vie.
3.
Y a-t-il un personnage que vous avez découvert au cours de votre
vie de lecteur et avec lequel vous auriez aimé passer une soirée ?
Le
premier qui me vient à l’esprit est Henry Wilt (des romans de Tom
Sharpe) qui me fait tellement rire mais qui m’angoisse aussi
tellement qu’une soirée avec lui me suffirait, je pense.
Sinon,
les révoltés que j’aurais aimé apaiser le temps d’un verre :
Antigone, Tom Joad (Les raisins de la colère de Steinbeck) et
l’incommensurable Arturo Bandini (des romans de John Fante)
quoique, à bien y réfléchir, j’aurais aussi pu passer plusieurs
soirées avec ce dernier.
4.
Si tu devais avoir un super pouvoir ce serait lequel et pourquoi?
Voler !
Pour voler…
5.
Est-ce que tu continuerais à écrire si tu n'avais plus aucun
lecteur ? (même pas ta mère)
Très
sincèrement, non. Je (ou on) m’enfermerais (t) et je me
raconterais des histoires dans ma tête pour moi tout seul. Elles
seraient parfaites, sans fautes, sans relectures, sans corrections,
sans tout ce temps nécessaire pour rendre « lisibles »
les histoires écrites. Ainsi, je pourrais m’en raconter 10 fois
plus et surtout, je les trouverais à chaque fois géniales !
6.
Quel a été l'élément déclencheur de ton désir d'écrire ?
Est-ce un lieu, une personne, un événement ou autre ?
Il
me semble avoir toujours écrit, au moins dans ma tête…
Mais
l’élément déclencheur est chez moi, mon 5e élément
à moi, c’est-à-dire mon dernier garçon. Un jour, il m’a
demandé si le métier que j’exerçais était mon grand rêve
d’enfant. J’ai dû lui avouer que non, que c’était écrire mon
grand rêve ! Et là, il m’a répondu : « Tu nous
dit qu’il faut suivre ses grands rêves et toi, tu ne l’as pas
fait ! Alors pourquoi tu ne le fais pas ? Tu n’es
pas encore trop vieux ! » Mon premier manuscrit a été édité
quelques mois plus tard.
7.
Est-ce que le carmin du sang de ses propres cicatrices déteint
toujours un peu dans l'encre bleue de l'écriture ?
Oui,
je crois davantage à l’encre de tes blessures que l’encre de tes
yeux, même si...
Question
bien pourrie au demeurant...
8.
Penses tu qu'autant de livres seraient publiés si la signature était
interdite ? Et toi, si comme pour le trophée Anonym'us, il fallait
publier des livres sous couvert d'anonymat, en écrirais-tu ?
Oh
oui ! Comme les paquets de cigarettes neutres ! Ce serait
génial ! Franchement, plus de souci d’égo, de pseudo,
d’image, de patronyme bankable ou pas… Juste les mots et les
lecteurs choisissent sans interférences. Oui, oui, bonne idée !
J’adhère immédiatement.
9.
Pourquoi avoir choisi le noir dans un monde déjà pas rose ?
Je
ne suis pas un auteur de roman noir. J’aimerais bien mais je tire
toujours davantage vers le gris… Je suis très fan des auteurs du
noir, très admiratif, j’en lis beaucoup. (Si je commence à en
citer ici, je vais me faire des ennemis.) Quand au monde pas si rose
que voulez-vous que je vous dise ? On s’en sort comme on peut…
Perso, même si je suis pessimiste par nature, je reste optimiste par
raison (Philippe Noiret)
10.
Quelles sont pour toi les conditions optimales pour écrire ?
Le
matin très tôt, chez moi, quand tout le monde dort, avec vue sur
les montagnes et un café ou alors la fin de journée sur la terrasse
d’un bar rempli de siciliens bruyants avec vue sur la mer.
11.
si vous deviez être ami avec un personnage de roman, lequel
serait-ce?
Cornélien !
Mais celui qui me vient d’emblée c’est Rob, le disquaire de High
Fidelity de Nick Hornby. Ce type soulève une montagne existentielle
chez moi en passant ses journées à élaborer la liste des 10 plus
grands albums de musique rock de tous les temps. Si quelqu’un me
pose cette question, je crois que je perds complètement pied
(sachant que depuis que j’ai lu ce livre, il y a 20 ans environ, il
n’y a pas un jour où, en écoutant une chanson, je ne me la
question.) Obsessionnel. Donc, oui, je pourrais passer des soirées
avec Rob et des semaines de vacances aussi !
12.
Quel est ton taux de déchet (nombre de mots finalement gardés /
nombre de mots écrits au total ) ? Si tu pouvais avoir accès aux
brouillons/travaux préparatoires d’une œuvre, laquelle serait-ce
?
Je
dirais grosso modo que mon taux de rebus (et parfois ce sont les
éditeurs qui sont rebutés) est de 40%...
Si
je pouvais avoir accès aux brouillons d’une œuvre ce serait celle
de RJ Ellory et notamment Mauvaise étoile avec les errements des
deux protagonistes car il m’a fallu une carte des US pour suivre
leurs chemins parallèles puis moins… Et aussi Vendetta du même
auteur car je suis dingue de la structure complexe qu’il a
utilisée.
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