1.
Es-tu écrivain, romancier, auteur ? Vois-tu une nuance entre ces
termes ?
Je
suis selon le moment, écrivain, romancière ou auteur: écrivain
lorsque je rencontre des lecteurs qui me questionnent sur mon métier
et ma méthodologie, romancière lorsque je suis en pleine écriture
d'un roman et moi-même imprégnée du climat et de l'émotion du
livre (donc, en pleine "romance" au sens littéral du
terme) et auteur lorsque j'écris un scénario, un projet de série
TV.
Qu'est-ce
que ces mots représentent, pour toi ?
Mon
job.
2.
Ecrivain/Carrière. Ces deux mots sont-ils compatibles ?
On
peut être écrivain sans faire carrière, mais ça rapporte moins.
Y
penses-tu ?
J'ai
été journaliste et productrice radio pendant 20 ans, ma carrière a
commencé depuis longtemps par un autre biais que l'écriture. Si on
ne construit pas une "carrière" dans les médias, on ne
progresse jamais professionnellement.
Anticipes-tu
cet éventuel avenir?
J'ai
déjà une carrière d'auteur derrière avec une dizaine d'ouvrages
publiés depuis 1999, et, je l'espère, encore une longue carrière
devant moi... Je défends chaque jour les auteurs à la SACD en tant
qu'administratrice déléguée à la radio et je les encourage à
multiplier les voies d'écriture: je dois avouer qu'un auteur qui n'a
pas la chance d'avoir une "carrière" que ce soit à la
radio, au cinéma, à la TV ou dans la publication, et donc, un
revenu conséquent termine sa vie dans la misère car les retraites
d'auteurs sont catastrophiques en terme de montant. A moins d'avoir
un conjoint friqué, de faire un héritage ou de bosser à côté, un
romancier a besoin d'un lectorat minimum pour vendre un minimum.
3.
Combien de temps, de tentatives, de refus, avant de décrocher un
contrat à compte d'éditeur ?
Mes
deux premiers manuscrits écrits lorsque j'avais une vingtaine
d'années ont été refusés. L'un des deux a cependant retenu
l'intérêt de Grasset ce qui m'a encouragé à poursuivre l'écriture
avec un autre roman JE NE SUIS PAS RAISONNABLE, un roman de
littérature générale publié chez Balland en 2000. Mais mon
premier roman publié est un Poulpe, en 1999. En dehors de mes deux
premiers manuscrits, un seul a été refusé et n'est pas publié à
ce jour. Mais je l'ai relu et franchement, c'est mieux qu'il reste
dans un tiroir.
4.
Pourquoi as-tu commencé à écrire ?
Parce
que j'avais envie de me lancer ce défi de ouf. J'ai écrit ma
première nouvelle en anglais à 13 ans car j'étais meilleure en
anglais qu'en Français (j'ai souffert de dyslexie dans mon enfance
et mon adolescence). Mais je ne pensais pas un jour que l'écriture
serait mon métier. C'était inimaginable. Je me destinais plutôt au
métier d'actrice.
Pourquoi
continues-tu ?
Aujourd'hui,
écrire est une discipline dont j'ai besoin pour m'équilibrer
nerveusement et psychologiquement. Je ne fume pas, ne me drogue pas,
et je dois faire gaffe à ce que je bois à cause de problèmes
allergiques très emmerdants qui se sont révélés récemment. Et il
y a ces livres, ces films qui s'écrivent déjà dans ma tête alors
que des autres sont en préparation. Cet imaginaire très fort qui
s'exprimait déjà dans l'enfance dans mes jeux et mes prestations de
comédienne ou d'imitatrice (!) , dans mes compositions au piano, mes
improvisations de danse moderne, mes dessins et peinture, l'écriture
le galvanise. Et un ordi, ça prend moins de place qu'un piano, une
salle de danse et un atelier de peinture, surtout quand on part en
vacances.
5.
Que penses-tu de la place de l'auteur dans le monde du livre et de
l'édition ?
L'auteur
est le dindon de sa propre farce: celle dont se régalent ceux qui
lui abandonnent un petit reste de son succès, et ceux qui
s'abreuvent à sa prose comme à la source claire d'une rivière.
6.
Comment serait l'éditeur de tes rêves ?
Un
éditeur qui tiendrait ses promesses, qui s'en ficherait bien que je
lui cède mes droits audiovisuels, un éditeur avec lequel je serrais
dans une relation de confiance absolue et donc qui accepterait une
remise en question de ses services et de leur fonctionnement sans
penser qu'il s'agit de ma part d'une tentative de dénigrement.
Quelles
qualités essentielles devrait-il posséder ?
Je
viens de te les donner.
7.
Que penses-tu du Trophée Anonym'us ?
J'apprécie
toujours les concours où rien n'est révélé au lecteur, ou rien
n'influence son choix.
LES
QUESTIONS DE MADAME LOULOUTE...
1.
Ton dernier livre, c'est plutôt : Une intrigue aux petits oignons ?
Des personnages croqués avec gourmandise ? Une alchimie de saveurs ?
Rien
de tout cela, miss! A LA MESURE DE NOS SILENCES est un roman
singulier faisant référence à un fait historique dramatique et
traité comme dérisoire par l'Histoire, et dont la lecture ébranle
les coeurs sur plusieurs générations.
2.
Tu nous conseilles de le lire : Sur un canapé au coin du feu ? À
l'ombre d'un parasol ? Dans le bruit et la fureur d'une ville
surpeuplée ?
N'importe
où du moment que le lecteur y trouve son compte.
3.
Ce livre, c'est plutôt : Divertir le lecteur ? Le faire frissonner
d'angoisse ? Inviter à la réflexion ? Apporter un témoignage ?
C'est
un témoignage qui donne des frissons et qui invite le lecteur à la
réflexion tout en le divertissant.
4.
Ton écriture : Elle est comme Pénélope, qui fait, défait, et
refait chaque phrase jusqu'à ce qu'elle sonne juste ou bien un
premier jet juste retouché pour enlever quelques aspérités ?
Je
suis définitivement, une Pénélope.
4.
Ton roman, comme un voyage, est-il : Un chemin au hasard qui
t'emporte et t'oblige à t'adapter aux obstacles imprévus qui le
parsèment ? Un périple longuement planifié, aux escales anticipées
? Un voyage « théoriquement » organisé, mais qui ne se déroule
jamais comme prévu ?
J'aime
bien ta première définition, cependant A LA MESURE DE NOS SILENCES
est un véritable road-trip de Paris à l'Aveyron, et franchement,
c'est de l'autoroute presque tout le temps! émoticône wink
Mon
précédent roman BLACK COFFEE, lui, se déroule sur la route 66, une
route que j'ai faite en 2011 pour la préparation du roman, durant
six semaines. Elle est un chemin fait de hasards, de dead end, de
rencontres improbables (avec des flics) et de souvenirs troublants
dont on ne se remet jamais vraiment.
5.
Si celui-ci était une boisson, ce serait ?
A
l'image du personnage principal de A LA MESURE DE NOS SILENCES,
François Valent, 82 ans, je dirais une verveine faite avec des
feuilles de la verveine que mon père faisait pousser dans son
jardin. Je n'en bois plus depuis qu'il est parti faire une route dont
on ne revient pas, hélas. Mais j'ai toujours le souvenir de cette
tisane qui enflammait le palais de saveurs citronnées. Et je suis
certaine que mon François en fait pousser dans son jardin...
(doit
pas y en avoir beaucoup des auteurs de polar qui réponde "verveine"
à cette question, hum?)
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