vendredi 25 septembre 2015

Interview d'une auteure : Marie Vindy

LES QUESTIONS DU BOSS...
1. Es-tu écrivain, romancier, auteur ? Vois-tu une nuance entre ces termes ? Qu'est-ce que ces mots représentent, pour toi ?
Auteur me parait être un terme plus générique, ce n’est pas un titre, mais une qualification. On est l’auteur d’un fait comme on est auteur d’une œuvre, sans préjuger de sa qualité… (ça doit être mon côté procédurière qui me fait relever cette précision). Je me reconnaissais plutôt comme romancière, puisque j’écris essentiellement des romans ou des nouvelles de fiction. Mais aujourd’hui, mon activité principale étant d’écrire, des romans et des nouvelles, donc, mais aussi des chroniques pour un journal – toujours, j’écris – alors, je me sens légitimement écrivaine, ou écrivain, suivant que je me lève d’un pied féministe ou d’un pied neutre, plus souvent le premier cas que le second d’ailleurs, mais en aurais-tu douté ?

2. Ecrivain/Carrière. Ces deux mots sont-ils compatibles ? Y penses-tu ? Anticipes-tu cet éventuel avenir.
Carrière rime avec carriériste… bof. Ecrire est une nécessité, un adage chaque jour plus fort. Si mes livres me permettaient de vivre sans me soucier de mes fins de mois, ça me rendrait probablement la vie plus facile. Mais ce n’est pas un but. Ecrire est sans doute l’activité qui me donne le sentiment le plus absolu de liberté, c’est irremplaçable, grisant, mais parfois douloureux. On gagne et on perd quand on se livre dans l’écriture.
3. Combien de temps, de tentatives, de refus, avant de décrocher un contrat à compte d'éditeur ?
Cinq ans entre le premier manuscrit écrit et un autre édité, deux romans qui ne seront jamais édités dans l’intervalle. Beaucoup de refus, mais aussi beaucoup d’encouragements, la raison pour laquelle, sans doute, j’ai pu progresser… Sûr qu’il ne faut pas se décourager trop vite, et j’en reviens à ma constatation précédente : écrire est une nécessité qui permet de ne pas s’arrêter à un refus, de savoir tout recommencer, ou de tirer humblement des leçons de ce qu’on n’avait pas voulu entendre au premier abord. J’ai pas mal de manuscrits non édités dans mes tiroirs… des romans entiers que je ne reprendrais jamais, d’autres que j’ai finalement réécrit et qui ont été édités. Des textes inachevés à la pelle ! Tout ça est une sombre alchimie, une histoire de chance et de tempo. C’est parfois le bon moment, celui d’une rencontre, parfois le train passe sans qu’on ait eu l’audace de monter à bord. Mais les choses finissent par se révéler, il n’est pas toujours bon de trop regarder en arrière. Je sais seulement que je n’aurais pas écrit « Chiennes » (dernier roman, sorti en août 2015) si je n’avais pas croisé la route de Pierre Fourniaud et les éditions La Manufacture de livres.

Pourquoi as-tu commencé à écrire ? Pourquoi continues-tu ?
Je ne sais pas vraiment… même si j’ai bien quelques idées : une période de ma vie qui m’obligeait à rester chez moi, des doutes, une envie, un trop plein de lectures… que sais-je ? Mais une phrase prononcée par mon premier psychanalyste ne m’a jamais quittée. Il m’avait dit lors de notre second entretien : « On écrit quand on a quelque chose à dire ». Cette phrase sonne toujours aussi juste, et répond à la deuxième question… je crois que j’ai encore beaucoup de chose à dire !

Que penses-tu de la place de l'auteur dans le monde du livre et de l'édition ?
Une place pourrie mais aussi privilégiée… Le travail de création est réellement sous-évalué, en terme économique, pour l’auteur. Mais sans cette abnégation, qu’en serait-il de la littérature ? Ecrire est une liberté immense qu’un salarié n’aura jamais, ni même n’importe quel entrepreneur. Ecrire, c’est vivre, et ce n’est pas un métier, même si ça peut le devenir. Tout ça est une question de personnalité, de talent peut-être, de chance sûrement… Mais qu’il ne soit pas question de rendement ou de rentabilité ! Pitié !

Comment serait l'éditeur de tes rêves ? Quelles qualités essentielles devrait-il posséder ?
Un ami, un confident, un guide. Quelqu’un qui regarde dans la même direction, quelqu’un de passionné et de malin.

Que penses-tu du Trophée Anonym'us ?
J’aime l’idée du partage et du jeu de cette expérience, que les individus se rencontrent et échangent.


LES QUESTIONS DE MADAME LOULOUTE...
Ton dernier livre, c'est plutôt : Une intrigue aux petits oignons ? Des personnages croqués avec gourmandise ? Une alchimie de saveurs ?
Pas d’oignon, pas de gourmandise, et question saveur, elle est plutôt amère.


Tu nous conseilles de le lire : Sur un canapé au coin du feu ? À l'ombre d'un parasol ? Dans le bruit et la fureur d'une ville surpeuplée ?
La lecture est en soi un voyage. Certains livres se prêtent mieux au voyage et au dépaysement que d’autres, mais d’un point de vu général, entrer dans un livre, c’est oublier tout ce qui se passe autour.
Pour « Chiennes », je conseille tout de même un endroit confortable… pour ne pas ajouter de la douleur au malaise…


Ce livre, c'est plutôt : Divertir le lecteur ? Le faire frissonner d'angoisse ? Inviter à la réflexion ? Apporter un témoignage ?
C’est une question sans réponse. On peut se divertir en frissonnant d’angoisse, c’est même parfois le but. Pourquoi aime-t-on ça ? Il n’y a pas de meilleure façon de comprendre le monde que par la fiction, c’est un grand paradoxe qu’il ne m’appartient pas d’analyser. Chacun son métier après tout !


Ton écriture : Elle est comme Pénélope, qui fait, défait, et refait chaque phrase jusqu'à ce qu'elle sonne juste ou bien un premier jet juste retouché pour enlever quelques aspérités ?
Un peu des deux… Mais plutôt un premier jet écrit dans une urgence assez douloureuse, et après plusieurs mois de recherches documentaires et de compilations de divers documents (dossiers d’instructions, rapports de médecins légistes, retranscriptions d’écoutes téléphoniques, chroniques de procès de trafic de stupéfiants et de viols ou d’agressions sexuelles auxquels j’ai assisté...) Le travail de réécriture s’est fait au fur et à mesure, en retournant souvent en arrière, avant de proposer à l’éditeur une première version qui n’a pas été beaucoup retouchée.

Ton roman, comme un voyage, est-il : Un chemin au hasard qui t'emporte et t'oblige à t'adapter aux obstacles imprévus qui le parsèment ? Un périple longuement planifié, aux escales anticipées ? Un voyage « théoriquement » organisé, mais qui ne se déroule jamais comme prévu ?
La rédaction d’un livre, pour ma part –chaque auteur à ses manies- ne se déroule jamais comme prévu, d’autant que je ne fais pas de plan, ni ne prévois de fin. C’est une aventure, avec ses surprises et ses rebondissements. J’ai quelques idées de départ, un ou deux personnages principaux, un fil qui part d’un crime ou d’un délit et que les flics, gendarmes ou journalistes vont devoir suivre… une vague trame formelle… et ensuite… Je suis les pas et la logique d’une enquête, elle ne mène pas toujours là je croyais vouloir l’emmener.

Si celui-ci était une boisson, ce serait ... ?
Un alcool fort, assurément. Plusieurs de mes personnages ont un faible pour le whisky. 

samedi 19 septembre 2015

L'interview d'un auteur : Niko Tackian


LES QUESTIONS DU BOSS... 

- Es-tu écrivain, romancier, auteur ? Vois-tu une nuance entre ces termes ? Qu'est-ce que ces mots représentent, pour toi ?

Je suis auteur lorsque j'écris des romans car je suis le seul maître à bord. Par contre dans mon activité de scénariste je suis un artisan. Je m'inscris dans une longue chaîne de production dont je suis, certes, le premier maillon, mais pas le seul ! Écrire des scenarii c'est accepter de mettre de côté son ego « d'auteur », et faire des concessions. Romancier c'est autre chose, c'est justement exprimer son univers et ses convictions autour d'une histoire sans le filtre de collaborations successives. C'est un peu le rêve lorsqu'on aime raconter des histoires.


- Ecrivain/Carrière. Ces deux mots sont-ils compatibles ? Y penses-tu ? Anticipes-tu cet éventuel avenir

J'ai toujours écrit et travaillé en écriture avec le désir d'être lu ou « vu » dans le cas de scenarii de fictions. En fait, je trouve que c'est naturel de vouloir rencontrer son public, avoir du succès donc faire une carrière. Cela fait une quinzaine d'années que je vis de mon métier et sans un minimum de stratégie cela ne serait pas la cas. Et puis j'ai du mal avec la tradition bien franco française qui veut qu'on tire à boulets rouges sur les gens qui ont du succès. Quand il arrive, il faut savoir l’accueillir et, plus dur, garder la tête froide pour continuer...


- Combien de temps, de tentatives, de refus, avant de décrocher un contrat à compte d'éditeur ?

Et bien pour moi ce fût une seule tentative. Mais mon cas est un peu particulier car avant de passer au roman j'avais derrière moi 40 album de BD publiés et une bonne vingtaine de films en tant que scénariste. Donc forcément, lorsque j'ai proposé mon projet, l'éditeur m'a écouté d'une oreille un peu plus attentive que pour un débutant complet. Finalement, le plus long a été de m'auto convaincre que j'étais prêt à passer au roman !


- Pourquoi as-tu commencé à écrire ? Pourquoi continues-tu ?

Question fondamentale à laquelle j'ai répondu très tôt et dont la réponse constitue mon seul moteur. J'aime raconter des histoires, je suis un conteur depuis tout petit. J'ai commencé très jeune, dans les six ou sept ans, par des BD que je dessinais sous forme d'histoires d'une dizaine de pages. Ensuite, je suis tombé dans l'univers des jeux de rôles et cela m'a forcé a construire mes univers, mes background de personnages et les soumettre aux autres.
Depuis tout ce temps mon réservoir d'histoires ne s'est jamais tari. Il faut dire que je passe pas mal de temps à l'alimenter ! Et puis il y a eu la rencontre et la collaboration avec Franck Thilliez qui, un jour de pluie, m'a dit avec toute la simplicité qui le caractérise : « je ne pige pas pourquoi tu n'écris pas des romans ». Cette simple remarque a mis une année à faire son chemin et j'ai écris mon premier roman (Quelque part avant l'enfer) en quatre mois. A partir de là, j'étais accroc à cette liberté totale d'écriture et le second est tombé dans la foulée...


- Que penses-tu de la place de l'auteur dans le monde du livre et de l'édition ?

Je pense qu'il est, comme partout ailleurs, soumis aux flux et reflux des contingences économiques. Mais l'auteur de livres a une force que d'autres milieux créatifs n'ont pas : écrire et publier un livre reste relativement peu onéreux et permet l’émergence de grands talents. Ce n'est que peu le cas au cinéma par exemple. Un film coûte tellement cher a produire que potentiellement, des générations de scénaristes et de réalisateurs talentueux n'auront jamais l'occasion de s'exprimer. En roman, l'auteur, seul face à son ordinateur, peut faire la différence. Mon expérience de nombreux univers d'écriture (BD, télé, cinéma, jeux vidéo et maintenant roman) m'a prouvé qu'un bon texte trouve toujours sa voie …


- Comment serait l'éditeur de tes rêves ? Quelles qualités essentielles devrait-il posséder ?

Ce serait un vrai partenaire, comme mon agent. Quelqu'un qui désire, au-delà de la rentabilité immédiate, permettre l'émergence d'un auteur sur le marché, puis l'accompagner. Les qualités seraient donc l'écoute, le respect et la sincérité.


- Que penses-tu du Trophée Anonym'us ?


C'est Ian Manook qui m'a fait découvrir ce trophée et j'ai tout de suite été séduit par la double démarche de publier des nouvelles « anonymes » en mélangeant des auteurs publiés et non publiés. Et puis c'était pour moi l'occasion de me frotter à ce format d'écriture et j'ai réellement adoré !

LES QUESTIONS DE MADAME LOULOUTE... 

- Ton dernier livre, c'est plutôt : Une intrigue aux petits oignons ? Des personnages croqués avec gourmandise ? Une alchimie de saveurs ?

Une dinde aux marrons. Le tout étant de savoir qui est la dinde, et qui se prendra les marrons !


- Tu nous conseilles de le lire : Sur un canapé au coin du feu ? À l'ombre d'un parasol ? Dans le bruit et la fureur d'une ville surpeuplée ?


Dans une pièce obscure, par une nuit sans lune avec comme musique d'ambiance le son du vent contre le carreau de la fenêtre.



- Ce livre, c'est plutôt : Divertir le lecteur ? Le faire frissonner d'angoisse ? Inviter à la réflexion ? Apporter un témoignage ?


Le faire frissonner d'angoisse tout en l'invitant à la réflexion.


- ­ Ton écriture : Elle est comme Pénélope, qui fait, défait, et refait chaque phrase jusqu'à ce qu'elle sonne juste ou bien un premier jet juste retouché pour enlever quelques aspérités ?

Simplicité et efficacité. Voilà ce que j'ai en tête lorsque j'écris.


- ­ Ton roman, comme un voyage, est-­il : Un chemin au hasard qui t'emporte et t'oblige à t'adapter aux obstacles imprévus qui le parsèment ? Un périple longuement planifié, aux escales anticipées ? Un voyage « théoriquement » organisé, mais qui ne se déroule jamais comme prévu ?


C'est un voyage qui me surprend toujours plus souvent que prévu.


- ­ Si celui-­ci était une boisson, ce serait laquelle ?

Un vin doux avec l'amertume d'une amande.

dimanche 13 septembre 2015

L'interview d'une auteure : Martine Nougué

Les questions du Boss...
1) Es-tu écrivain, romancier, auteur ?
Ben, les trois, mon général !! 

Vois-tu une nuance entre ces termes ?  
Ce n’est pas que «je» vois des nuances entre ces termes, c’est plutôt que ces trois mots ont chacun leur sens propre. 


Un écrivain est une personne qui fait métier d’écrire des livres, c’est-à-dire qui non seulement écrit mais qui aussi publie, et dont les livres participent de la vie d’un «marché» : ils sont promus, vendus puis achetés, lus, critiqués, brûlés... bref : ils vivent.

Un romancier, c’est un écrivain qui écrit des romans, ce qui le distingue d’autres types d’écrivains que sont les essayistes ou les novellistes, par exemple…

Quant au mot « auteur », il ne vit pas seul : on est auteur «de» quelque chose : d’un livre, d’un opéra, d’une sculpture ou d’un mot d’esprit..-ce que ces mots représentent, pour toi ? Comme amoureuse du livre, des mots, de la langue, bibliovore et bibliophile, ces mots me parlent de ce et de ceux que j’aime…alors ce sont des mots que j’aime !  
2) Ecrivain/Carrière. Ces deux mots sont-ils compatibles ? Y penses-tu ? Anticipes-tu cet éventuel avenir ?Faudrait arrêter de faire les chochottes et de considérer qu’ «écrivain» serait un mot noble alors que «carrière», beurk, devrait être banni du vocabulaire des «vrais» écrivains qui ne vivraient que pour leur art en méprisant les basses et vulgaires contingence matérielles et financières, mâtinées de batailles d’ego et de compétitions acharnées, que sous-entendrait le (gros) mot «carrière». Personnellement, après trente années de «carrière», riche mais éprouvante, dans les métiers du marketing et de la communication, j’envisage effectivement une nouvelle «carrière» dans ce métier, nouveau pour moi, du livre et de l’écriture…mais autrement, en mettant d’autres valeurs dans le mot «carrière» : à mon rythme, sans me foutre aucune pression d’aucune sorte (j’ai donné, merci..), avec pour seuls objectifs de me faire plaisir, d’en procurer à des lecteurs, de voir mon travail reconnu et de durer en apprenant et en évoluant tous les jours…  

3) Combien de temps, de tentatives, de refus, jusqu'à aujourd'hui, pour parvenir à décrocher un contrat à compte d'éditeur?
Peu, voire pas du tout en fait.. Il faut dire qu’en bonne «marketeuse», j’avais étudié de façon assez complète le marché de l’édition (qui édite quoi, qui fait quoi etc…), puis j’avais défini avec précision le positionnement de mon roman et de mon écriture (de mon « produit », donc…) et défini avec quel type d’éditeur je voulais travailler : plutôt un artisan qu’un industriel, un «peti » chez qui je pourrais exister et évoluer plutôt qu’une major qui me noierait dans la masse de ses auteurs-producteurs (et puis, après trente ans en entreprise, je n’avais plus du tout envie d’être replongée dans cet « univers impitoyâââble »..). Bref, j’ai mis tout ça en équation et j’ai ciblé les quelques (quatre en fait) éditeurs qui répondaient à ces critères. Jean-Louis Nogaro, créateur des Editions du Caïman m’a répondu très vite et on a signé dans la foulée. Voilà, tout simplement…

4) Pourquoi as-tu commencé à écrire ? Pourquoi continues-tu ?
Même si je viens juste de publier mon premier roman, j’écris en fait depuis très très longtemps. J’ai toujours aimé écrire et j’ai toujours pratiqué, à travers des « genres » différents : des travaux et essais universitaires, des poèmes et de la correspondance, du rédactionnel d’entreprise, des chroniques de presse, des nouvelles… des bouts de roman, toujours commencés mais jamais terminés, jusqu’au jour – va savoir pourquoi… – j’ai eu envie d’aboutir un roman pour le présenter à un éditeur et lui donner une existence. J’ai eu de la chance, ça a marché, les lecteurs aiment mon histoire, mes personnages, mon écriture, c’est un vrai bonheur. Alors, pour ce bonheur-là, je vais continuer.
 
5) Que penses-tu de la place de l'auteur dans le monde du livre et de l'édition ? 
Je sais combien d’auteurs souhaiteraient avoir une place plus importante, voire centrale, dans le monde du livre et de l’édition. Ils ont le sentiment, légitime, de « faire tout le boulot » mais de ne recevoir que des miettes en rémunération de cet énorme travail. Je comprends cette frustration mais je sais aussi que si « sans auteurs pas de livres », il n’y aurait pas non plus de livres, et donc pas d’auteurs (j’ai pas dit « écrivain »..), sans les multiples intervenants de la chaîne du livre : éditeurs, graphistes, correcteurs, imprimeurs, diffuseurs, attachés de presse, distributeurs…qui font souvent un remarquable boulot pour que le livre existe et vive, et qui méritent aussi d’être justement rémunérés. Mais ceci dit, je ne suis pas naïve pour autant, et je sais qu’il existe aussi de ces éditeurs-voyous qui exploitent et méprisent leurs auteurs. Il en est dans le monde de l’édition exactement comme dans d’autres secteurs économiques où sont produits des biens : la répartition du « gâteau » est un sujet inépuisable de contestations, négociations, ré-ajustements. Il faut toujours se battre pour sa part de gâteau, that’s life !..
 
6) Comment serait l'éditeur de tes rêves ? Quelles qualités essentielles devrait-il posséder ? 
Brun, yeux gris, cultivé, riche (oui, ça aide)… Sinon, je lui demanderais juste d’être pro et de savoir faire honnêtement son boulot d’éditeur : qu’il sache reconnaître la qualité d’un texte et d’une écriture, qu’il privilégie ces critères plutôt que d’autres, plus mercantiles, qu’il sache prendre (un peu) de risques pour soutenir des textes pas forcement rentables à court terme et qu’il accompagne ses auteurs dans leur travail et la promotion de leurs livres. Ah oui, et faudrait aussi qu’il soit sympa et qu’il sache festoyer.
 
7) Que penses-tu du Trophée Anonym'us ? 
C’est une joyeuse idée et j’adore l’idée de demander aux auteurs une nouvelle originale. J’ai hâte de concourir et de retrouver mes potes auteurs pour boire un coup sur les pontons !
 
Les questions de Louloute...

1- Ton dernier livre, c'est plutôt : Une intrigue aux petits oignons ? Des personnages croqués avec gourmandise ? Une alchimie de saveurs ?
C’est tout ça à la fois, je jubile quand j’écris, je pimente mes intrigues, mitonne mes personnages et assaisonne le tout des meilleures épices dans une grande marmite que le feu rougit…
 
2- Tu nous conseilles de le lire : Sur un canapé au coin du feu ? À l'ombre d'un parasol ? Dans le bruit et la fureur d'une ville surpeuplée ?
A la terrasse d’un bistrot de village, avec un verre de pastis ou de rosé bien frais. 

3- Ce livre, c'est plutôt : Divertir le lecteur ? Le faire frissonner d'angoisse ? Inviter à la réflexion ? Apporter un témoignage ?Lui parler de choses sérieuses et graves mais sans lui prendre la tête, l’inviter à se questionner mais avec humour et joyeusement.
 
4- Ton écriture : Elle est comme Pénélope, qui fait, défait, et refait chaque phrase jusqu'à ce qu'elle sonne juste ou bien un premier jet juste retouché pour enlever quelques aspérités ?Pénélope, bien sûr…  

5- Ton roman, comme un voyage, est-il : Un chemin au hasard qui t'emporte et t'oblige à t'adapter aux obstacles imprévus qui le parsèment ? Un périple longuement planifié, aux escales anticipées ? Un voyage « théoriquement » organisé, mais qui ne se déroule jamais comme prévu ?Ni planification excessive, ni organisation contraignante, plutôt une flânerie le nez en l’air sur un chemin de randonnée à peu près balisé, pour mieux recevoir les idées de passage ou les intrus du subconscient…
 
6- Si celui-ci était une boisson, ce serait laquelle ? Sans hésitation : un vin languedocien, rouge, rocailleux, ensoleillé, pas chichiteux mais simple et franc comme l’amitié…un Faugères par exemple, ou un Pic Saint-Loup.  

mardi 8 septembre 2015

L'interview d'un auteur : Thierry Marignac

LES QUESTIONS DU BOSS

1- Es-tu écrivain, romancier, auteur ? Vois-tu une nuance entre ces termes ? Qu'est-ce que ces mots représentent, pour toi ?


Je suis strictement romancier. L’art du conteur est le seul qui présente un intérêt pour moi.

L’Écrivain, c’est une Grande Tête Molle, comme disait Lautréamont, qui se prend au sérieux et donne son petit juju sur tout et n’importe quoi. Il ne connaît rien, plumitif dans son cabinet d’études, mais il sait tout. Comme il se touche la plume, il est compétent sur tout ce qui ne le regarde pas.

L’Auteur, c’est la version intimiste (une spécialité française comme on peut le constater avec un cinéma à pleurer d’ennui) de l’Écrivain : Ô comme les tourments de la création déchirent ses entrailles profondes de Créateur. Le moindre pli de son nombril recèle le mystère poétique, fais pas le con, comme on disait quand j’étais jeune, dans ma bande qui sont tous morts.

Non, non, et non. Si je veux parler du monde, je le fais en journaliste et je m’en tiens aux faits. Si je cherche la poésie, je le fais à travers une histoire qui se tienne et des personnages. Dans les limites de mon art de romancier, captiver un auditoire avec le drame que je lui offre, et rien d’autre, je vois une dimension à la fois plus humble et beaucoup plus réelle.

I’ll Play the Blues for You, chantait Albert King, et c’est notre rôle de saltimbanques. La tâche est suffisamment ardue sans s’encombrer du reste, qui voile le tableau.

2- Ecrivain/Carrière. Ces deux mots sont-ils compatibles ? Y penses-tu ? Anticipes-tu cet éventuel avenir ?

Je répète : je ne suis pas Écrivain.

Si c’est une carrière ?… Vous plaisantez, sans doute !… Il y a plus de trente ans, que j’écris, traduis, publie des livres, que ça m’a mené dans toutes sortes d’endroits et de situations, et j’en ai vécu, oui, malgré la concurrence débile et la navrante Politcorrectitude d’un milieu assez médiocre où les nuls sont légion et ont pignon sur rue, comme le polar, par exemple. Mais j’ai toujours rebondi et jamais là où on s’y attendait. Si c’est un avenir à anticiper, certainement pas. À moins de cirer les pompes, ou d’être né dedans, c’est la galère, cousin, j’te dis pas…

3- Combien de temps, de tentatives, de refus, avant de décrocher un contrat à compte d'éditeur ?

Franchement, je ne sais pas. J’ai toujours eu du bol, ou du talent, les opinions divergent, et, en dehors d’une petite traversée du désert qui a pris fin récemment, sans compter les fatwas des imbéciles en place, mes livres ont toujours trouvé éditeur dans un délai raisonnable.

4- Pourquoi as-tu commencé à écrire ? Pourquoi continues-tu ?

Vous êtes de la police ?… Il n’y a aucune réponse valable à cette question, qui devrait être montrée en exemple de ce qu’il ne faut pas demander parce que c’est absurde. Parce que j’aime ça, point barre.

5- Que penses-tu de la place de l'auteur dans le monde du livre et de l'édition ?

Inconfortable.

6- Comment serait l'éditeur de tes rêves ? Quelles qualités essentielles devrait-il posséder ?

J’ai moi-même été éditeur, et pas qu’une fois, dans ce métier, j’ai tout fait, lecteur, auteur, traducteur, nègre, et éditeur aussi. Alors je vous dirai qu’il faut du flair. Sinon :
La faculté de s’oublier pour entrer dans la logique d’un artiste et révéler le meilleur de ce qu’il a à donner, de même qu’un romancier s’oublie pour entrer dans la logique de ses personnages et en extraire tout ce qu’ils recèlent et qu’il ne connaît pas encore (mais peut deviner).

7- Que penses-tu du Trophée Anonym'us ?

Je n’en pense rien, parce que c’est la première fois que j’en entends parler et que je ne fréquente pas les réseaux sociaux. Je suis content de participer, c’est ce qui compte, disait Pierre de Coubertin sur les Jeux Olympiques.

LES QUESTIONS DE MADAME LOULOUTE...

1- Ton dernier livre, c'est plutôt : Une intrigue aux petits oignons ? Des personnages croqués avec gourmandise ? Une alchimie de saveurs ?

Rien de tout ça. C’est un océan cannibale.

2- Tu nous conseilles de le lire : Sur un canapé au coin du feu ? À l'ombre d'un parasol ? Dans le bruit et la fureur d'une ville surpeuplée ?

Je ne donne pas ce genre de conseils, parce qu’un livre, dès qu’il est publié, appartient à ses lecteurs, c’est à eux de trouver le lieu et le moment s’ils le désirent. Personnellement, je les écris n’importe où, n’importe quand.

3- Ce livre, c'est plutôt : Divertir le lecteur ? Le faire frissonner d'angoisse ? Inviter à la réflexion ? Apporter un témoignage ?

Lui proposer un drame précis dont les échos réveillent les siens.


4- Ton écriture : Elle est comme Pénélope, qui fait, défait, et refait chaque phrase jusqu'à ce qu'elle sonne juste ou bien un premier jet juste retouché pour enlever quelques aspérités ?

Je n’aime pas le terme « écriture », snobinard et emprunté aux universitaires qui se regardent écrire. On parlait de style, autrefois, avant l’arrivée de ce vocable de boursouflures. Ça, ça demande du travail, comme disait Céline. C’est un travail intérieur, mais ça peut aussi sortir tout armé comme Minerve de la cuisse de Jupiter, « dans la chaleur forte du sentiment », disait Nimier.

5- Ton roman, comme un voyage, est-il : Un chemin au hasard qui t'emporte et t'oblige à t'adapter aux obstacles imprévus qui le parsèment ? Un périple longuement planifié, aux escales anticipées ? Un voyage « théoriquement » organisé, mais qui ne se déroule jamais comme prévu ?

Je citerai Alexander Trocchi, un des plus grands et méconnus romanciers de la came, dans son chef- d’œuvre « Le Livre de Caïn » : « Frontières indécises, phénomènes sans rapport, mutations, voyages cauchemardesques, villes visitées et quittées, retrouvailles, désertions, trahisons, toutes sortes d’unions, d’adultères, de triomphes, de défaites… Ce sont les faits ».


6- Si celui-ci était une boisson, ce serait laquelle ?

Une liqueur forte comme du métal bouillant.

jeudi 3 septembre 2015

Interview d'une auteure : Dominique Sylvain

LES QUESTIONS DU BOSS...

Es-tu écrivain, romancier, auteur ? 
Plutôt romancière, par nature, mais si j’écrivais un scénario, je deviendrais auteur, je suppose

Vois-tu une nuance entre ces termes ?
Oui, un auteur produit des textes au sens large, qu’il s’agisse de chansons, de textes de fiction, d’essais ou de scénarios. Un romancier se réserve le champ du roman (et le chant du roman aussi). Un écrivain, je ne sais pas trop. Deviens-tu un écrivain lorsque tu notes ta liste de courses sur un calepin ? Un scribe moderne, en fait. Sinon, il y a l’autre bout du spectre : l’Ecrivain. L’artiste fatal. Un être impressionnant, à part, quelqu’un susceptible de recevoir le prix Nobel de littérature, tu vois ? Ou quelqu’un comme Victor Hugo, qui eut droit à des funérailles nationales. Un grand homme, en fait.

Qu'est-ce que ces mots représentent, pour toi ?
Rien de trop grave ou de réellement important. Quand quelqu’un me demande ce que je fais, je dis que je suis auteur. Mais je trouve que c’est un mot assez moche. Avec un « h », ça ferait hauteur, mais justement ce « h » manque. Faut-il y voir un signe ? C’est un peu ridicule. Après tout un gars qui signe des sketchs stupides est aussi un auteur. Le gars qui invente une blague Carambar est un auteur. Le mot écrivain contient le terme « vain », ce qui est assez significatif. Quelquefois, je me demande si les écrivains médiatiques prennent plaisir à s’écouter parler sur les plateaux télé ou non. C’est un cirque. Ils racontent des trucs plus ou moins intéressants et au bout du compte, c’est inutile, ou presque, car c’est la façon dont ils ont dit les choses qui est retenue plutôt que le fond. Ou leur coupe de cheveux, leur look, leur côté sexy. C’est grotesque. Quant à « romancier » ou « romancière », c’est un peu rond et mécanique comme terme. En anglais, c’est mieux : writer. Ça glisse. Ce que je préfère, c’est artiste. Car aucun roman n’a d’intérêt s’il ne comporte pas une dimension artistique. Il y a donc par contraste une autre catégorie : les raconteurs (d’histoires). Ils racontent très bien leur histoire mais n’ont pas la moindre idée de ce qu’est la littérature. La littérature, c’est de l’art. On finit par l’oublier. C’est con.

Ecrivain/Carrière. Ces deux mots sont-ils compatibles ?
Oui, pour moi, dès le départ. Je n’aime pas ne pas faire les choses sérieusement. Et à partir de mon deuxième roman, j’ai décidé d’en faire mon métier. Et donc, d’être payée pour ça. Le discours des éditeurs qui consiste à dire : « c’est de l’art et donc ça n’a pas de prix, estimez-vous heureux d’être publié(e)(s) », ça m’agace un peu. Parler argent est très vulgaire en France, mais moi, ça ne me dérange pas d’être vulgaire sur ce point. Au contraire.

Y penses-tu ?
Eh comment. Je pense à tout même aux sujets qui fâchent. Ceux qui prétendent ne pas y penser sont des hypocrites. Ou des fonctionnaires qui ont déjà un boulot (à vie).

Anticipes-tu cet éventuel avenir ?
Non, pour moi, c’est déjà du passé et toujours du présent.

Combien de temps, de tentatives, de refus, avant de décrocher un contrat à compte d'éditeur ?
Aucune, mon premier roman a été publié.

Pourquoi as-tu commencé à écrire ?
Parce que j’avais fait l’essentiel, rencontrer l’homme de ma vie et mis au monde mes enfants. Je pouvais me consacrer au deuxième « essentiel » : l’expression artistique. Je sentais que j’avais ça en moi.

Pourquoi continues-tu ?
Parce que je sens que j’ai quelque chose à dire. Je sens intuitivement les vibrations du monde et je veux partager ça avec mes contemporains. C’est une émotion très forte.

Que penses-tu de la place de l'auteur dans le monde du livre et de l'édition ?
Je pense que l’auteur se fait plus ou moins baiser. Il est à la fois le maillon essentiel et la cinquième roue du char. Pourquoi ? Parce qu’il est seul, sans appuis, et remplaçable par le premier venu qui sait vaguement raconter une histoire qui plaira cinq minutes aux lecteurs. Mais ce n’est pas grave, la réalité c’est ça. Et à part l’accepter, je ne vois pas ce qu’on peut faire.

Comment serait l'éditeur de tes rêves ?
Quelqu’un qui m’aiderait à faire le bilan, le ou les moments venus. Pour progresser artistiquement, et dans ma carrière. Pour avancer dans la bonne direction. Mais c’est un boulot que nous devons hélas faire absolument seuls. Je ne sais pas si dans d’autres pays, c’est différent.

Quelles qualités essentielles devrait-il posséder ?
La capacité de voir la beauté. Et de sentir le potentiel d’un auteur. Et surtout, il faut que l’éditeur n’ait aucune velléité d’écriture. Car sinon, il punira l’auteur de pouvoir faire ce que lui est incapable de faire. Bref, un saint.

Que penses-tu du Trophée Anonym'us ?
Je ne sais pas, je n’ai pas lu les détails. Je t’ai simplement dit oui parce que c’était toi et que tu es assez cash comme mec.

LES QUESTIONS DE MADAME LOULOUTE...

Ton dernier livre, c'est plutôt : Une intrigue aux petits oignons ? 
Oui, j’ai sué comme une bête pour en venir à bout. Mais j’aime bien l’odeur de la sueur. Donc, il n’y a aucune plainte dans mes propos.

Des personnages croqués avec gourmandise ? 
Plus avec passion qu’avec gourmandise. Ils n’existent pas, mais ils pourraient exister. Ils sont presque humains pour moi, donc ils sont importants.

Une alchimie de saveurs ? 
Pas de saveurs seulement. Mais une alchimie, oui. La mise en place d’un monde plausible à un moment T. Et puis l’observation de ce monde dans tous ses replis et interstices.

Tu nous conseilles de le lire : Sur un canapé au coin du feu ? À l'ombre d'un parasol ? Dans le bruit et la fureur d'une ville surpeuplée ?
Tu peux le lire assise sur un siège des toilettes ou enveloppée dans un châle de cachemire et dans le silence d’un grand parc aux arbres frissonnants. Tu peux le lire au bord de la mer, dans une odeur de crème solaire et de churros, ou dans la chambre d’hôtel d’un pays lointain où tu es seule et contente de l’être. Tu peux faire ce que tu veux. Le lecteur est un être fier et libre, chica !

Ce livre, c'est plutôt : Divertir le lecteur ? Le faire frissonner d'angoisse ?
Inviter à la réflexion ? Apporter un témoignage ?  
Je ne sais pas car je ne suis pas maîtresse des émotions des lecteurs. Ce dont j’ai envie, justement, c’est que le lecteur éprouve une émotion. Que nous nous comprenions. Que nous parlions sans rien nous dire. Et qu’une petite trace, poussière d’étoile, reste en lui, un certain temps après la lecture. Après tout, c’est ce que j’apprécie en tant que lectrice.

Ton écriture : Elle est comme Pénélope, qui fait, défait, et refait chaque phrase jusqu'à ce qu'elle sonne juste ou bien un premier jet juste retouché pour enlever quelques aspérités ?
Première proposition. Je travaille et retravaille. Effet de la marée sur le galet. Mais je ne garde quasiment jamais les anciennes versions. Je fais et défais en continu dans trop regarder en arrière et jusqu’à ce que j’obtienne la phrase qui sonne. Car je cherche quelque chose… Donc, j’avance dans la forêt et je ne peux pas revenir en arrière. Enfin presque.

Ton roman, comme un voyage, est-il : Un chemin au hasard qui t'emporte et t'oblige à t'adapter aux obstacles imprévus qui le parsèment ? Un périple longuement planifié, aux escales anticipées ? Un voyage « théoriquement » organisé, mais qui ne se déroule jamais comme prévu ?  Proposition 1 et 3 car, de mon point de vue, elles sont identiques. Je bâtis toujours un plan, mais je sais bien que l’aventure commence sérieusement quand je me mets à écrire, enfin.

Si celui-ci était une boisson, ce serait ... ? 
Du vin. En termes de boisson, rien n’égale le voyage que procure un grand vin.

mardi 1 septembre 2015

Pour l'apéro, une petite nouvelle hors concours... Renaissance - Auteur Frédéric Lorand, libraire à Rennes

Renaissance
au format epub 
ou au format pdf

Aaaah, le foutu patelin plein de ces foutus cons, le seul truc que je leur doive, c’est de m’avoir montré qui j’étais ou plutôt ce que j’étais, et ça a été bien fait pour leur gueule…

Faut dire que l’endroit était déjà pas gâté par la nature. C’était gris, tout : les maisons, la terre, le paysage. Et les gens étaient moches pareil. La mégère qui m’a mis au monde était pourrie de vices, mais ce qui la distinguait surtout c’était sa méchanceté. C’est sûr que j’en ai bavé avec elle, qui me filait des roustes plus souvent qu’à mon tour, pour un oui, pour un non, pour rien. Juste parce que j’étais dans son paysage et qu’elle avait pas envie de voir ma trogne. Jusqu’à seize ans, ma vie c’était d’être une tête à torgnoles. Y’avait pas qu’elle qui me filait des danses. J’en prenais de tous les côtés, à la maison, à l’école, au catéchisme et à l’église. Mais c’était tout de sa faute à ma vioque. Et à mon paternel aussi, faut être juste. Mais lui a été assez malin pour sentir le vent tourner en 44. Et un beau matin, il était plus là.

Mes vieux m’ont eu en 32. Au début, ça allait plutôt bien, j’étais un marmot normal. Pendant la guerre ça allait même mieux que pour les autres, j’ai jamais manqué de rien. En tout cas pas à cette époque-là. Mes parents tenaient un bar, hôtel, restaurant, claque. Pour le claque je savais pas bien sûr, j’étais trop gosse. Mais y’avait souvent bombance chez nous, et les boches, je les trouvais plutôt chouettes. Ils étaient gentils avec moi, et puis j’aimais bien leurs uniformes. Bien sûr, à l’école, j’ai commencé à être regardé de travers. Mais faut pas croire, y’avait pas que des résistants dans les gens du village. Seulement les autres ils faisaient ça en moins voyant. C’est vers 42-43 que j’ai pris mes premières mornifles. C’était dans la cour de récréation qu’on a commencé à me bousculer, à me faire des croches pieds et à me filer des calottes sur l’arrière de la tête, comme ça, au passage. C’était les fils des autres collabos qui y revenaient le plus, normal : eux non plus risquaient pas grand’chose.

Ma mère, elle a vraiment commencé le jour où on l’a tondue. C’était moche comme spectacle. J’étais là, j’avais douze ans et j’ai pas pu dire un mot. Y’avait juste des larmes qui me coulaient le long des joues pendant qu’on lui rasait les tifs sur la grand’place du village. Elle était dure, mais elle aussi chialait, en silence. Quand ça a été fini, qu’on l’avait allégée de sa coiffure en la traitant de tous les noms, des noms pires que tout : chienne, truie, putain, salope, pourriture, charogne et d’autres encore, j’ai voulu aller vers elle mais elle m’a repoussé, c’était terminé. Le soir même, elle s’est mise à me cogner. Du coup j’avais plus nulle part où aller. Je comprenais pas trop pourquoi je ramassais des tartes au début, et puis je savais pas me défendre. C’est plus tard que c’est venu, quand j’ai vraiment été au bout du rouleau. ça a été de pire en pire. C’était devenu normal pour tout le monde de se passer les nerfs sur ma pomme. Tous les jours qu’on me cherchait des noises et j’avais tout le temps tort, même quand on me demandait rien. Alors j’ai pris l’habitude d’être tout seul dans mon coin. Bien forcé d’ailleurs, plus personne voulait me parler. Et puis j’ai aussi pris l’habitude de courir, mais ça servait à rien parce que quand j’arrivais chez moi, j’avais droit à une danse, par principe. Alors, j’avais beau m’enfuir, cavaler par monts et par vaux, j’y coupais jamais, y’avait toujours une peignée qui m’attendait quelque part. Je courais vite, mais ça changeait pas, où que j’aille, les marrons finissaient toujours par me pleuvoir sur la gueule. Et les fois où je fuguais, ça me rapportait des nouveaux bleus et bosses au retour. Ça a duré longtemps comme ça, jusqu’à mes seize ans.

Y’avait bien quelque chose qui commençait à monter en moi. Je savais pas encore bien quoi, mais je sentais. C’était chaud et dur. Encore plus qu’une pine de légionnaire. Je le sentais monter en moi et à chaque dérouillée, je serrais un peu plus les poings. C’est pas encore le moment, que je me disais. Et je prenais sans broncher parce que j’avais l’habitude d’encaisser. En plus, je travaillais à l’auberge de ma mère. Je faisais presque tout sous les coups et les insultes. On n’avait pas beaucoup de clients, rapport au passé proche. Mais de temps en temps, il fallait quand même que j’aille faire des commissions à Lille. J’y allais en vélo et c’est en revenant de là-bas que je me suis réveillé que je suis passé à l’action. C’était un jour plus pourri que les autres, il pleuvait comme vache qui pisse et j’étais trempé jusqu’aux os. Sur le chemin du village, c’était boueux, j’étais fatigué de pédaler, mais je me pressais pas pour rentrer. Tout le trajet j’avais cogité, ruminé, ressassé. Tout du long, j’avais senti la colère me choper par les épaules comme ça, par à-coups, alors je serrais les mains sur les poignées de mon vélo jusqu’à ce que les jointures soient blanches. Je serrais les dents à m’en faire péter l’émail, de la lave me coulait dans les veines à la place du jus de chaussette que j’avais toujours eu. Le jour était en train de tomber et à l’approche village je les ai vus. Les deux frères VandenMeulen.

Ils remontaient du café vers chez eux, un peu saouls. Je me suis arrêté, je savais ce qui m’attendait, mais j’étais plus disposé à prendre. Eux le savaient pas bien sûr, et moi non plus la seconde d’avant. Il fallait que ça change. Je savais que je ne pourrais plus supporter ce que j’avais déjà enduré, j’en aurais crevé. Et au moment où je les ai vus, le déclic que je guettais s’est produit. Ils étaient à cent mètres de moi et avançaient en rigolant déjà. En pensant à ce qu’ils pourraient raconter au père en arrivant chez eux : « On a croisé le Marais et on lui a mis une rouste avant de le balancer dans le fossé plein de boue avec son vélo qu’on y a crevé les deux pneus ». Non les gars, c’est fini tout ça. Je me rendais pas compte de ce qui m’arrivait, mais ce qui est sûr c’est que j’étais ailleurs. J’ai laissé tomber mon vélo. ça les a un peu surpris, mais pas découragé. Au contraire je crois que l’idée d’un peu de résistance les a excités. Je les ai laissés s’approcher au lieu de m’enfuir et quand ils ont plus été qu’à quelques pas de moi, je me suis baissé pour ramasser de la boue à pleines pognes. Ils m’ont vu faire et l’un d’eux, le grand, m’a lancé : « Attends, mon con, on va t’en filer de la boue. » A cinq mètres je leur ai balancé en pleine poire, ça a fait « zwouf ! » et puis ça a claqué sur leurs sales gueules « clac ! ». Ils sont restés bêtes deux secondes.

Pas moi. ça faisait cinq ans que je l’étais et ça venait de finir. Ils essayaient de comprendre, s’enlevant la boue du visage en jurant. J’étais sur eux. Mais je les voyais pas vraiment, j’avais un voile rouge devant les yeux. Pan ! Un coup de pied dans les couilles au Jacquot ! Et ping ! Un coup de poing plein pif au René ! Et ça s’est mis à pisser rouge direct. Je me sentais plus, j’en voulais encore. J’avais la rage maintenant. Je voulais absolument en découdre, bave au lèvres. J’avais jamais levé la main sur quoi que ce soit, mais le moment du dépucelage était venu et je voulais en profiter. Le Jacquot était par terre en train de gémir en se massant les balloches. Le René se tenait le pif et me regardait en louchant. « Qu’est-ce que tu r’gardes ? » j’y ai dit presque en gueulant. Et pan ! Un autre coup de poing dans la gueule. Il a été valser dans le décor en faisant un tour sur lui même avant de tomber à plat ventre dans la boue. L’autre était à genoux. Il chialait de douleur et avant qu’il se relève, zag ! Un gros coup de croquenot en plein blaire à lui aussi. Il s’est retrouvé sur le dos, nez cassé et raisinant. Je le voyais du dessus pour la première fois et j’ai fait la danse de Saint-Guy autour de lui, refilant tout ce que j’avais dans les jambes. J’ai senti des côtes casser sous mes coups. ça m’excitait encore plus et je tapais de plus en plus fort. Et puis j’ai arrêté quand j’ai vu qu’il réagissait plus. Le René se réveillait et il m’a vu sans pouvoir me fixer. ça m’a fait plaisir parce qu’en plus j’me rendais compte qu’il avait peur. C’est son regard à lui que j’ai jamais pu oublier. Tout connard d’incompréhension, tout chiasseux de peur, ça m’a donné envie de lui faire encore plus mal. Il était à quatre pattes en essayant de se relever, et paf ! Un coup dans les côtes pour l’envoyer bouler. Il était à plat ventre, je me suis mis un genou sur son dos et l’autre sur le bras droit que j’ai agrippé par le poignet et CLAC ! J’ai fait pareil avec l’autre. Il a commencé à me supplier. Je l’ai retourné et j’ai commencé à faire les marionnettes avec ses bras en rigolant, complètement fou. Lui se tordait de douleur et osait même plus regarder mes yeux. J’ai laissé retomber ses bras, je l’ai chopé par les cheveux des tempes et j’ai commencé à lui cogner la tête sur le sol mouillé. Chloc ! Chloc ! Chloc ! De plus en plus fort. « Arrête, pitié, arrête ! » qu’il gueulait en s ‘étouffant à moitié. Je l’ai lâché, il a voulu parler et je lui ai craché dans la bouche tellement il me dégoûtait à pigner comme ça. Moi j’avais pas demandé pitié à personne. Jamais. Parce que je savais qu’on me la donnerait pas. Et alors je lui ai foutu des grosses poignées de boue dans la gueule en rigolant. Il essayait bien de cracher, mais il s’étouffait. Et il est calanché comme ça sous mes yeux alors que je lui remplissais son sale claque-merde de boue. Putain, j’avais l’impression de renaître, comme ça d’un coup. J’étais bien content et je bandais comme un taureau. Mais je pouvais pas les laisser là. Je les ai traînés l’un après l’autre jusqu’à la grange du maire pas loin, juste après la sortie du village. J’étais peinard, avec le temps qu’il faisait y’avait personne dehors. Une fois dans la grange où y' avait toujours de la paille de fourrage, j’ai voulu y foutre le feu. Mais j’avais rien sur moi, je leur ai fait les fouilles. Eux ils avaient des briquets américains. Ils avaient dû les avoir au marché noir. J’en ai utilisé un pour allumer le feu et j’ai gardé l’autre. Je l’ai toujours et il m’a souvent servi depuis. J’ai réussi à lancer un feu dans la paille, et puis bien vite ça a pris. Je suis sorti, j’ai récupéré ma bicyclette et je suis rentré chez moi.

Y’avait personne à l’hôtel, comme souvent. Ma mère était seule en train de manger dans la cuisine quand je suis arrivé après avoir enlevé ma veste. En me voyant tout couvert de boue, elle a pas cherché à comprendre, sa méchante trogne voulait bien dire : « Tu vas en ramasser une bonne mon salaud ! » Elle était costaude ma vieille, sans compter que sa haine lui donnait plus de force encore. Mais ça servait plus à rien. Et comme c’était quand même ma mère, elle a bien vu dès que j’avais franchi la porte que j’étais plus pareil. Et elle me l’a dit : « Où qu’tu t’crois saligaud ? Rentrer à une heure pareille et dans quel état, encore ! T’es allé aux filles, hein ? ». Elle savait bien que c’était pas vrai. Elle aimait bien avoir une sorte d’excuse pour me filer une trempe. Seulement, là, elle approchait un peu de biais, elle voyait bien que ça serait plus aussi facile. Elle devait bien savoir que je me rebellerai un jour, mais une bonne branlée aurait pu tout faire rentrer dans l’ordre. J’aurais pu rester le bon garçon à sa manman. Plus maintenant, plus après ce que je venais de découvrir sur moi-même. Je me suis pas posé de question parce que je savais déjà ce que j’allais faire. Je suis allé vers elle. Elle a essayé de m’en mettre une. J’ai attrapé son bras, lui ai retourné dans le dos et je l’ai poussée. Elle est tombée en avant sur le carrelage. Elle s’est retournée en gueulant comme une furie : « Tu frappes ta mère ! Tu frappes ta pauvre mère petite charogne ! Ah nom de Dieu, tu vas voir ! »

Moi je ricanais. Elle était là, par terre à hurler, les yeux écarquillés, rouge de rage. Mais elle avait le génie du vice et quand elle s’est relevée, elle avait un tisonnier à la main. On rigolait plus, c’était plus au martinet que ça allait se régler. C’était sérieux. J’ai mis la table entre elle et moi en me reculant. Elle a essayé de m’atteindre en balançant des coups au jugé et en jurant, pendant que moi je l’agaçais en disant : « Trop court vieille vache ! », « Raté ! », « C’est moins facile quand je me laisse pas faire, hein ?! ». Et puis elle a essayé, encore une fois et je lui ai attrapé le poignet. J’ai serré et je lui ai fait frapper un coup sur le rebord de la table. Elle a lâché le tisonnier, qu’est tombé dans un bruit métallique, à mes pieds. Elle roulait des yeux de bête sauvage prisonnière et m’insultait en projetant des postillons épais : « Sale cochon ! T’es allé aux filles, hein ?! Et tu vas cogner ta vieille mère maintenant ! Elles t’ont mis la pourriture, hein salopiot ?! Vas- tu me lâcher foutu corniaud ?! » Elle braillait de plus en plus fort et ça m’a énervé. Je la tenais toujours et elle a fait le tour de la table pour s’approcher de moi et paf ! Une belle claque bien sonore en pleine poire qu’elle m’a fichue. Je l’ai lâchée et je lui en ai retourné une qui l’a envoyée valdinguer sur le carrelage encore une fois. Mais quand elle m’a regardé, elle a vu que je rigolais plus. J’étais enragé encore et je voulais qu’elle sente passer la tempête que j’avais dans la tête. Qu’elle sache que j’allais me venger de tout. Je me suis approché sans vraiment la voir, je me suis baissé un peu et pan ! Une grosse châtaigne en plein sur le nez. Je l’ai prise par le col et je l’ai relevée, et bing ! Une autre calotte. J’ai recommencé encore, et encore, serrant les poings de plus en plus fort. Elle gueulait au début et puis après elle pouvait plus. Elle saignait du nez, ses lèvres étaient rouges, gonflées, et pissaient par endroits, ses deux yeux étaient presque complètement fermés. Elle s’était ouvert une arcade en tombant contre le chambranle de la cheminée. Elle avait bien essayé de prendre la petite pelle à ce moment-là, mais à peine elle l’avait soulevée, qu’un grand coup de pied dans la main lui avait fait lâcher en lui cassant un ou deux doigts. Ses cheveux ressemblaient plus à rien à force de l’avoir saisie par la tignasse pour lui mandaler la tronche. Je lui avais cassé quelques dents qu’elle avait crachées dans du sang. Elle en avait plein son gilet marron dégueulasse. Et maintenant elle gisait, affalée contre la porte.

À ce moment-là, j’ai fait gaffe au bruit qu’il y avait dehors. Tout le village s’agitait pour aller éteindre le feu. Mais on ne viendrait pas nous chercher. On nous évitait. Et puis les voisins avaient bien dû entendre le boxon qu’on foutait. Ils étaient habitués à entendre des bruits de roustes chez nous et ils se déplaçaient pas pour ça. Et puis de toute façon les volets étaient fermés. Leur justice à eux c’était de tondre la tête des femmes après la bataille. Je me suis dit ça et ça m’a donné une idée. J’ai laissé ma vieille par terre, assommée et je suis allé chercher ma tondeuse, celle avec laquelle elle prenait un malin plaisir à me faire la boule à zéro. Quand je suis redescendu, elle rampait à travers la réception vers la porte d’entrée. Je l’ai chopée par les jambes en y disant : « Pas si vite ma petite dame, vous n’allez pas sortir peignée comme ça ! » Et je l’ai ramenée dans la cuisine où le sol était couvert de boue et de sang mélangés. Elle marmonnait une plainte incompréhensible qui y faisait cracher du sang et des morceaux de dents. Enfin, je suis pas sûr qu’elle se plaignait. C’était pas son genre, elle devait plutôt m’insulter. Je l’ai assise sur une chaise et j’ai commencé à lui raser la tête à sec. Elle se débattait plus, elle essayait de dire quelque chose. Des grosses larmes lui coulaient sur les joues. Mais je m’en foutais bien, moi, de ses larmes. La vieille peau m’avait jamais laissé de répit et, de temps en temps, entre deux coups de tondeuse, je lui remettais une torgnole. De toute façon y’aurait jamais le compte. Je l’ai tondue par grosses touffes, en lui arrachant presque les cheveux par poignées. Y’avaient comme des morceaux de viande parfois. C’était du sang qui se trouvait collé dans les cheveux ou des petits bouts de peau qui venaient avec la tondeuse. Quand j’ai eu fini, je l’ai regardée une dernière fois en y disant : « Te voilà belle maintenant avec ta gueule ravagée de collabo libérée. » Elle me faisait quand même un peu pitié comme ça, mais ça changerait rien. Je me suis mis à repenser à toutes les torgnoles, les coups de pied au derche, les pincements de joues, les tirages d’oreilles, les insultes et les humiliations et je lui ai dit : « Je vais te crever vieille vache, parce que t’es une mauvaise mère et que tu mérites pas de vivre. »

Elle a ouvert la bouche, des filets de sang à moitié coagulé entre les lèvres, mais c’était trop fatigant pour elle. Sa bouche s’est refermée dans un petit clappement et elle a pris le tisonnier en plein sur le sommet du crâne. J’ai frappé tellement fort qu’il est resté fiché dans sa tête. Et elle est tombée de sa chaise. Ça y était, j’étais libre pour la première fois de ma vie. Je me suis assis à table et je me suis mis à chialer de joie. Dehors ça commençait à se tasser. Je suis monté dans une des chambres à l’étage pour voir discrètement où ça en était. Tout avait cramé. La paille à l’intérieure était sèche et ça avait fait une bonne flambée. Et c’était pas encore fini, ça fumait encore. Mais tout le monde se rentrait maintenant. Je suis redescendu. J’ai traîné ce qui restait de ma daronne dans l’arrière-cuisine, une belle trace de boue et de sang derrière elle. Et après je me suis assis pour réfléchir. En mangeant. Ben, j’avais quand même pas fait tout ça pour me laisser crever de faim. Et puis j’avais jamais eu la dalle comme ça. Je me suis aussi dit que j’avais pas intérêt à rester dans les parages et que le mieux était qu’on me croit mort. Alors, j’ai mangé, rempli ma musette de victuailles, je me suis débarbouillé et changé. J’ai pris tout l’argent que ma vieille planquait sous son matelas, pas énorme, mais plus que ce que j’avais jamais eu. J’ai siphonné la cuve à fioul qu’était dans l’appentis, un bidon entier. J’en ai versé sur le cadavre de ma vioque. Une fois que j’y aurais foutu le feu à celle-là, j’étais tranquille, sûr de pas la revoir. J’ai pris ma musette, j’ai allumé un brandon avec le briquet des frères VandenMeulen et j’y ai mis le feu. Je m’attendais presque à la voir se relever pour me choper et me faire cramer avec elle. Mais elle s’est mise à brûler tout bêtement et je suis parti en courant, à travers champs. Au bout d’un moment, j’ai entendu une gigantesque explosion : je venais de mourir pour la première fois et j’étais enfin vraiment complètement libre.