jeudi 3 septembre 2015

Interview d'une auteure : Dominique Sylvain

LES QUESTIONS DU BOSS...

Es-tu écrivain, romancier, auteur ? 
Plutôt romancière, par nature, mais si j’écrivais un scénario, je deviendrais auteur, je suppose

Vois-tu une nuance entre ces termes ?
Oui, un auteur produit des textes au sens large, qu’il s’agisse de chansons, de textes de fiction, d’essais ou de scénarios. Un romancier se réserve le champ du roman (et le chant du roman aussi). Un écrivain, je ne sais pas trop. Deviens-tu un écrivain lorsque tu notes ta liste de courses sur un calepin ? Un scribe moderne, en fait. Sinon, il y a l’autre bout du spectre : l’Ecrivain. L’artiste fatal. Un être impressionnant, à part, quelqu’un susceptible de recevoir le prix Nobel de littérature, tu vois ? Ou quelqu’un comme Victor Hugo, qui eut droit à des funérailles nationales. Un grand homme, en fait.

Qu'est-ce que ces mots représentent, pour toi ?
Rien de trop grave ou de réellement important. Quand quelqu’un me demande ce que je fais, je dis que je suis auteur. Mais je trouve que c’est un mot assez moche. Avec un « h », ça ferait hauteur, mais justement ce « h » manque. Faut-il y voir un signe ? C’est un peu ridicule. Après tout un gars qui signe des sketchs stupides est aussi un auteur. Le gars qui invente une blague Carambar est un auteur. Le mot écrivain contient le terme « vain », ce qui est assez significatif. Quelquefois, je me demande si les écrivains médiatiques prennent plaisir à s’écouter parler sur les plateaux télé ou non. C’est un cirque. Ils racontent des trucs plus ou moins intéressants et au bout du compte, c’est inutile, ou presque, car c’est la façon dont ils ont dit les choses qui est retenue plutôt que le fond. Ou leur coupe de cheveux, leur look, leur côté sexy. C’est grotesque. Quant à « romancier » ou « romancière », c’est un peu rond et mécanique comme terme. En anglais, c’est mieux : writer. Ça glisse. Ce que je préfère, c’est artiste. Car aucun roman n’a d’intérêt s’il ne comporte pas une dimension artistique. Il y a donc par contraste une autre catégorie : les raconteurs (d’histoires). Ils racontent très bien leur histoire mais n’ont pas la moindre idée de ce qu’est la littérature. La littérature, c’est de l’art. On finit par l’oublier. C’est con.

Ecrivain/Carrière. Ces deux mots sont-ils compatibles ?
Oui, pour moi, dès le départ. Je n’aime pas ne pas faire les choses sérieusement. Et à partir de mon deuxième roman, j’ai décidé d’en faire mon métier. Et donc, d’être payée pour ça. Le discours des éditeurs qui consiste à dire : « c’est de l’art et donc ça n’a pas de prix, estimez-vous heureux d’être publié(e)(s) », ça m’agace un peu. Parler argent est très vulgaire en France, mais moi, ça ne me dérange pas d’être vulgaire sur ce point. Au contraire.

Y penses-tu ?
Eh comment. Je pense à tout même aux sujets qui fâchent. Ceux qui prétendent ne pas y penser sont des hypocrites. Ou des fonctionnaires qui ont déjà un boulot (à vie).

Anticipes-tu cet éventuel avenir ?
Non, pour moi, c’est déjà du passé et toujours du présent.

Combien de temps, de tentatives, de refus, avant de décrocher un contrat à compte d'éditeur ?
Aucune, mon premier roman a été publié.

Pourquoi as-tu commencé à écrire ?
Parce que j’avais fait l’essentiel, rencontrer l’homme de ma vie et mis au monde mes enfants. Je pouvais me consacrer au deuxième « essentiel » : l’expression artistique. Je sentais que j’avais ça en moi.

Pourquoi continues-tu ?
Parce que je sens que j’ai quelque chose à dire. Je sens intuitivement les vibrations du monde et je veux partager ça avec mes contemporains. C’est une émotion très forte.

Que penses-tu de la place de l'auteur dans le monde du livre et de l'édition ?
Je pense que l’auteur se fait plus ou moins baiser. Il est à la fois le maillon essentiel et la cinquième roue du char. Pourquoi ? Parce qu’il est seul, sans appuis, et remplaçable par le premier venu qui sait vaguement raconter une histoire qui plaira cinq minutes aux lecteurs. Mais ce n’est pas grave, la réalité c’est ça. Et à part l’accepter, je ne vois pas ce qu’on peut faire.

Comment serait l'éditeur de tes rêves ?
Quelqu’un qui m’aiderait à faire le bilan, le ou les moments venus. Pour progresser artistiquement, et dans ma carrière. Pour avancer dans la bonne direction. Mais c’est un boulot que nous devons hélas faire absolument seuls. Je ne sais pas si dans d’autres pays, c’est différent.

Quelles qualités essentielles devrait-il posséder ?
La capacité de voir la beauté. Et de sentir le potentiel d’un auteur. Et surtout, il faut que l’éditeur n’ait aucune velléité d’écriture. Car sinon, il punira l’auteur de pouvoir faire ce que lui est incapable de faire. Bref, un saint.

Que penses-tu du Trophée Anonym'us ?
Je ne sais pas, je n’ai pas lu les détails. Je t’ai simplement dit oui parce que c’était toi et que tu es assez cash comme mec.

LES QUESTIONS DE MADAME LOULOUTE...

Ton dernier livre, c'est plutôt : Une intrigue aux petits oignons ? 
Oui, j’ai sué comme une bête pour en venir à bout. Mais j’aime bien l’odeur de la sueur. Donc, il n’y a aucune plainte dans mes propos.

Des personnages croqués avec gourmandise ? 
Plus avec passion qu’avec gourmandise. Ils n’existent pas, mais ils pourraient exister. Ils sont presque humains pour moi, donc ils sont importants.

Une alchimie de saveurs ? 
Pas de saveurs seulement. Mais une alchimie, oui. La mise en place d’un monde plausible à un moment T. Et puis l’observation de ce monde dans tous ses replis et interstices.

Tu nous conseilles de le lire : Sur un canapé au coin du feu ? À l'ombre d'un parasol ? Dans le bruit et la fureur d'une ville surpeuplée ?
Tu peux le lire assise sur un siège des toilettes ou enveloppée dans un châle de cachemire et dans le silence d’un grand parc aux arbres frissonnants. Tu peux le lire au bord de la mer, dans une odeur de crème solaire et de churros, ou dans la chambre d’hôtel d’un pays lointain où tu es seule et contente de l’être. Tu peux faire ce que tu veux. Le lecteur est un être fier et libre, chica !

Ce livre, c'est plutôt : Divertir le lecteur ? Le faire frissonner d'angoisse ?
Inviter à la réflexion ? Apporter un témoignage ?  
Je ne sais pas car je ne suis pas maîtresse des émotions des lecteurs. Ce dont j’ai envie, justement, c’est que le lecteur éprouve une émotion. Que nous nous comprenions. Que nous parlions sans rien nous dire. Et qu’une petite trace, poussière d’étoile, reste en lui, un certain temps après la lecture. Après tout, c’est ce que j’apprécie en tant que lectrice.

Ton écriture : Elle est comme Pénélope, qui fait, défait, et refait chaque phrase jusqu'à ce qu'elle sonne juste ou bien un premier jet juste retouché pour enlever quelques aspérités ?
Première proposition. Je travaille et retravaille. Effet de la marée sur le galet. Mais je ne garde quasiment jamais les anciennes versions. Je fais et défais en continu dans trop regarder en arrière et jusqu’à ce que j’obtienne la phrase qui sonne. Car je cherche quelque chose… Donc, j’avance dans la forêt et je ne peux pas revenir en arrière. Enfin presque.

Ton roman, comme un voyage, est-il : Un chemin au hasard qui t'emporte et t'oblige à t'adapter aux obstacles imprévus qui le parsèment ? Un périple longuement planifié, aux escales anticipées ? Un voyage « théoriquement » organisé, mais qui ne se déroule jamais comme prévu ?  Proposition 1 et 3 car, de mon point de vue, elles sont identiques. Je bâtis toujours un plan, mais je sais bien que l’aventure commence sérieusement quand je me mets à écrire, enfin.

Si celui-ci était une boisson, ce serait ... ? 
Du vin. En termes de boisson, rien n’égale le voyage que procure un grand vin.

1 commentaire:

merci némascope a dit…

J'aime bien les réponses de la dame, elles dénotent quelqu'un qui sait où elle est, où elle va et où elle veut aller. Ce sont des qualités utiles pour un(e) romancier(e) ^_^