Cette
année, ce sont les auteurs eux-mêmes qui ont concocté les
questions de l’interview, celles qui leur trottent dans la tête,
celles qu’on ne leur pose jamais, ou tout simplement celles qu’ils
aimeraient poser aux autres auteurs.
Aujourd’hui
l’interview de Frédérique
Hoy
1.
Certains auteurs du noir et du Polar ont parfois des comportements
borderline en salon. Faites-vous partie de ceux qui endossent le rôle
de leurs héros ou protagonistes pendant l'écriture, histoire d'être
le plus réaliste possible ?
Bande
de psychopathes !
Non,
enfin je ne pense pas ! (Faudra demander à mes voisins de
salon !) Mais c’est vrai que l’empathie permet de sortir de
soi, d’être habité par toutes les émotions y compris la colère,
d’adopter toutes les attitudes y compris les plus sadiques.
Peut-être ce que l’on refuse en soi ? Je ne me reconnais pas
plus dans mes bourreaux que dans mes victimes, mais c’est sans
doute illusoire de penser qu’ils me sont totalement étrangers.
2.
Douglas Adams est promoteur de 42 comme réponse à la vie, l’univers
et le reste. Et vous quelle est votre réponse définitive ?
Alors,
s’il faut vraiment avoir réponse à tout… J’ai les pieds trop
ancrés dans le réel pour vous répondre mardi ou Jupiter. Et si
c’est un chiffre, j’aurais plutôt dit 69.
Je
répondrais le désir : le désir justifie et répond à peu
près à tout.
3.
Y a-t-il un personnage que vous avez découvert au cours de votre
vie de lecteur et avec lequel vous auriez aimé passer une soirée ?
J’aurais
aimé passer la soirée avec Peter Schlemihl, le convaincre peut-être
de ne pas vendre son ombre au diable. Ou alors avec Cyrano de
Bergerac dont je serais certainement tombée amoureuse. Avec
Jean-Baptiste Grenouille, on aurait parlé des odeurs de la peau. Ou
avec un personnage féminin d’Amélie Nothomb : peut-être
Diane de « Frappe-toi le cœur », on aurait pu discuter
du lien à la mère...
4.
Si tu devais avoir un super pouvoir ce serait lequel et pourquoi?
Un
pouvoir guérisseur. Pour ne jamais voir souffrir ceux que j’aime.
5.
Est-ce que tu continuerais à écrire si tu n'avais plus aucun
lecteur ? (même pas ta mère)
Oui !
J’écris depuis 20 ans et ne suis lue que depuis un an (et toujours
pas par ma mère qui vomit les romans noirs, ouf !) Cela dit,
depuis que le désir d’être lu est là, depuis que j’ai assisté
à la deuxième vie d’un texte qui part à la rencontre des gens et
de leur inconscient, je me suis prise au jeu : je suis attentive
à chaque retour. Je trouve ça très intéressant.
Et
même si j’aime aujourd’hui être lue, j’essaie d’écrire
d’abord pour moi. Quand je prends trop en compte le lecteur, ou les
critiques (positives comme négatives) que j’ai pu entendre, je
perds quelque chose. Je me perds en voulant plaire.
6.
Quel a été l'élément déclencheur de ton désir d'écrire ?
Est-ce un lieu, une personne, un événement ou autre ?
J’ai
d’abord été lectrice et touchée par l’écriture des autres.
J’ai écrit dès l’enfance, l’adolescence sous d’autres
formes (correspondances, poèmes, histoires…).
Mais
c’est à la suite d’un épisode douloureux de ma vie, à 24 ans,
que j’ai écrit un premier roman. Je ne l’ai jamais fait lire. Il
n’avait rien d’autobiographique, mais fut certainement
thérapeutique. Ma façon à moi de résister, d’aller mieux.
Depuis l’écriture de romans ne m’a plus quittée, elle est
nécessaire à mon équilibre, me permet de canaliser un trop-plein
d’imagination, et ma sensibilité.
7.
Est-ce que le carmin du sang de ses propres cicatrices déteint
toujours un peu dans l'encre bleue de l'écriture ?
Je
crois, oui. Et ça fait du violet, presque du noir. C’est bien ce
sang-là qui coule quelque part, même si sa composition est
modifiée…
8.
Penses tu qu'autant de livres seraient publiés si la signature était
interdite ? Et toi, si comme pour le trophée Anonym'us, il fallait
publier des livres sous couvert d'anonymat, en écrirais-tu ?
Sans
doute pas.
Signer ses propres romans avec sa vraie identité, c’est une façon d’assumer ce qu’on est, ce qu’on aime faire. Ça me paraît important. Mais écrire dans l’anonymat absolu pour quelqu’un d’autre ne me gênerait pas. J’adorerais être ghostwriter…
Signer ses propres romans avec sa vraie identité, c’est une façon d’assumer ce qu’on est, ce qu’on aime faire. Ça me paraît important. Mais écrire dans l’anonymat absolu pour quelqu’un d’autre ne me gênerait pas. J’adorerais être ghostwriter…
9.
Pourquoi avoir choisi le noir dans un monde déjà pas rose ?
Est-ce
vraiment un choix ? On projette peut-être sur le papier ce
qu’on n’accepte pas dans le monde réel. Parfois on écrit avec
ses profondes angoisses… J’ai ressenti ça en écrivant « Et
un jour, disparaître ».
10.
Quelles sont pour toi les conditions optimales pour écrire ?
La
solitude. Du thé/café à profusion (la bougie a remplacé la clope
qui manque toujours un peu…). Les ambiances hivernales (froid
dehors, chaud dedans) favorisent l’inspiration.
11.
si vous deviez être ami avec un personnage de roman, lequel
serait-ce?
J’aimerais
être l’amie de Céline Rabouillot, la « grosse » de
Céline Lefèvre, un personnage d’une sensibilité qui m’a
bouleversée, un esprit sain, enjoué malgré l’adversité et le
regard des autres.
12.
Quel est ton taux de déchet (nombre de mots finalement gardés /
nombre de mots écrits au total ) ? Si tu pouvais avoir accès aux
brouillons/travaux préparatoires d’une œuvre, laquelle serait-ce
?
Difficile
à chiffrer (42 ? :D )
Mais je passe mon temps à relire, à réécrire, à changer des mots, des tournures de phrases, l'emplacement des virgules... une vraie manie ! Et je n'aimerai pas avoir accès aux brouillons d'une oeuvre (quelle qu'elle soit). Pas plus que je n'aime connaitre le secret de tours de magie.
Mais je passe mon temps à relire, à réécrire, à changer des mots, des tournures de phrases, l'emplacement des virgules... une vraie manie ! Et je n'aimerai pas avoir accès aux brouillons d'une oeuvre (quelle qu'elle soit). Pas plus que je n'aime connaitre le secret de tours de magie.
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