1. N'y a-t-il que du plaisir, dans l'écriture, ou t'est-il déjà arrivé de ressentir une certaine forme de douleur, de souffrance, dans cet exercice ?
- Quand tu commences à avoir mal quelque part, quand tu sens que le cerveau n’a plus d’oxygène, il faut se lever et sortir, ou dormir. Tout dépend du rythme de travail et c’est donc propre à chacun, mais après deux heures d’écriture en mode concentration, il faut se délier
- Je ne sais pas, c’est comme ça et ça a toujours été. Je me rappelle avec précision des premiers romans lus (Alice Détective et Fantômette), dans mon lit, à Saint-Laurent du Maroni. À chaque fin, je me demandais si je pourrais l’écrire. Je n’ai jamais arrêté de me poser cette question jusqu’à ce que je commence moi-même sérieusement l’écriture d’un roman.
- Je te dirais de ne pas oublier les écrivains de l’ombre qui sont les véritables auteurs des livres de ces gens. Bien sûr, je ne parle pas ici de mon épicier ou de ma voisine. Qu’est-ce que ça m’inspire ? Il y a de la place pour tout le monde. Ça pose la question du verbal et de l’écrit, écrire ce qu’on a à dire serait comme mettre un point final à son message. La question est plus vaste si on évoque le travail de fiction.
- Sincèrement, je n’en sais rien. Je crois que c’est une évolution inéluctable, l’humanité 2.0, celle que je ne vivrai pas. Je vois souvent des gens lire sur liseuse, je les entends me dire comme c’est pratique. J’ai publié une nouvelle en numérique (BUCKAROO chez E-Fractions), PETITE LOUVE n’est pas accessible au format numérique. Bref. Je ne suis pas encore assez calée pour te répondre. J’aime les bibliothèques, j’aime les livres. Pour les réseaux sociaux, c’est une autre question (voir infra).
- Oui, je m’en sers. J’ai un blog (L’œil et le Gun), un compte Twitter, un compte Instagram. Tout cela sert à communiquer, donner des infos, partager son univers littéraire et artistique également, assumer les multiples personnalités qui luttent en nous ou soutiennent l’écrivain qui les fait vivre sur le papier.
- Il faut savoir ce que l’on veut et avoir beaucoup de courage. Si le nombre de livres publiés a été multiplié par deux c’est que le rêve de publication est accessible, non ? Pour le reste, je suis un mauvais exemple. Je me sers des réseaux sociaux parce qu’il faut vivre avec son temps mais tout évolue, même en soi. Je ne veux pas être plus visible qu’il ne le faut pour mon premier roman (PETITE LOUVE) pour lequel je me bats depuis que j’en ai débuté l’écriture. Ce que je veux dire c’est que je veux que LUI soit visible, pas moi. Je n’écris pas pour ma gloire. Même chose pour le deuxième roman en cours, à paraître à la Série Noire. Je pourrais aller plus vite, sacrifier au temps des réseaux et au temps des médias. Mais c’est dans la lenteur que les personnages se construisent jusqu’aux fondations. Alors, lentamente. Comme la baleine. Cela dit, je serai moins sereine sans la confiance de mon éditeur.
- Je ne sais pas. Il y a rencontre ou non. Confiance ou non. Satisfaction ou non. En tant qu’auteur, je voudrais le meilleur pour mon livre. Aucune raison de changer si je l’ai. Cette histoire de psychanalyse, c’est des conneries. Comme de dire que la relation auteur/éditeur c’est comme une histoire de couple. C’est détourner le propos du contrat qui nous lie. Quand je signe un contrat, je le respecte. C’est le jeu. Mais un jeu dangereux qui implique la cession d’une œuvre. D’où les frustrations, les paranoïas des deux côtés quand ça coince. Rappelons que les auteurs sont les parents pauvres de la chaîne du livre. Ce sont les galériens qui pédalent au sous-sol pour qu’il y ait de la lumière dans les étages. Tout est dans le contrat alors il faut savoir ce qu’on signe. J’engage les auteurs à se renseigner auprès de la SGDL, qui peut les aider à retrouver leurs petits dans tout ce fouillis sans perdre de temps ou s’énerver. Le temps mal perdu ne se rattrape jamais et que voulons-nous au fond ? Perdre notre temps à écrire et faire la fête quand c’est possible. Quand ça se passe bien, c’est merveilleux et se scelle une alliance de longue haleine.
Quelles réflexions cela t'inspire-t-il ? À quoi cela est il dû, selon toi ? En lis-tu et, si oui, Lesquelles ?
- Je lis de tout et je crois que les femmes ont toujours écrit du « costaud ». Rappelons que Frankenstein a été écrit par Mary Shelley. Peut-être sont-elles plus médiatisées, mieux acceptées dans le quartier hardboiled, ces temps-ci ? DIRTY WEEKEND d’Helen Zahavi m’a profondément impressionnée. C’est Caroline des Fondus au noir qui me l’avait offert après avoir lu PETITE LOUVE. J’ai écrit un article à propos de ce livre pour L’Indic. J’ai beaucoup aimé CANNIBAL TOUR d’Anouk Langaney et un peu plus récemment, les romans de Sandrine Colette et d’Elsa Marpeau.
9. Pourquoi as-tu accepté de participer à ce Trophée ?
- Mais pour perdre mon temps à écrire et faire la fête avec les autres aux Pontons, pardi ! Et si je ne suis pas une grande fan du tirage de bourre, l’anonymat est un challenge intéressant à relever.
LES QUESTIONS DE MME LOULOUTE.
1. Vie professionnelle, vie de famille, salons et dédicaces, à l'écriture reste-t-il une place ?
- Il faut absolument trier. Absolument. Cela se fait automatiquement de toute façon, alors mieux vaut garder le contrôle sur le tri. Les écrivains sont des gens qui n’acceptent de s’enchaîner qu’à ce qui compte pour eux. Là est la variable.
- Si mes héros broient grave du noir, c’est pour me permettre d’avoir les idées claires.
- Comme je le disais plus haut, il y a de la place pour tout le monde. Les lecteurs choisissent. Sûr qu’un super libraire et/ou un bon papier peuvent aider, mais ça, c’est tellement aléatoire…
- UN DON, de Toni Morrison. J’ai adoré cette histoire d’une jeune enfant noire abandonnée par sa mère à un maître blanc parce qu’elle avait l’âge de s’en sortir alors que le petit frère serait mort. C’était bouleversant et merveilleusement écrit. Toni Morrison est immense.
- Plus proche de nous ici, NOIR OCÉAN de Stefan Mani, huis clos noir et fantastique dans un cargo islandais au départ de Reykjavik.
- Tout dépend si tu veux écrire longtemps…
- Je préfère le piment. Frais, égrainé, coupé fin dans la salade libanaise. Cuit entier dans un bon chili maison. J’aime cuisiner pour mes amis, encore plus quand j’ai bien écrit avant.
- Je saurai (peut-être) quand je serai vieille et chenue.
- Ah oui, tiens ! Je me rappelle de ce gros festival où l’un des libraires s’est planté sans rire devant moi et m’a dit d’un air paternaliste : « Bon, j’achète ton livre mais c’est pour ma femme. » Le déterminisme du genre existe partout, beaucoup chez nous. Il ne faut rien lâcher mais sans perdre de temps et continuer à travailler sans se préoccuper des condescendant(e)s.
- Une anecdote positive. Dernièrement, j’ai rencontré Gilles Del Pappas au 13 ème prix marseillais du polar et j’ai adoré cet homme. D’abord, très important, j’ai aimé son polar LE BAISER DU CONGRE, ensuite lui est entier et généreux, merveilleux cuisinier et grand convive, voyageur, amoureux de la vie. Je vous souhaite de le rencontrer, un jour.
Nous te remercions d'avoir répondu à nos questions et d'être présent(e) avec nous, pour cette troisième édition du Trophée Anonym'us.
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